Hannibal, Sous les remparts de Rome
montré
injuste envers toi en préférant écouter les conseils de Thoas. C’est un fin
politique mais un mauvais militaire. Tu as désormais toute ma confiance et des
messagers porteront cette nouvelle aux quatre coins de mon royaume. Quiconque
refusera d’exécuter tes ordres sera considéré comme traître à la couronne et
puni comme il se doit.
Lorsqu’il
arriva à Tyr, Hannibal y trouva de fort mauvaises nouvelles. Polyxénidas
n’avait pu empêcher la jonction entre la flotte romaine et celles de Pergame et
de Rhodes. Contraint de livrer bataille au cap Korykos, près de l’île de Chios,
il avait essuyé de lourdes pertes mais avait pu s’échapper avec la majeure
partie de ses navires et se réfugier dans des criques connues de lui seul. Là,
il avait réussi à venger son honneur en détruisant dans la passe de Samos
plusieurs dizaines de bateaux rhodiens. Cela avait rafraîchi considérablement
l’ardeur des Romains d’autant que ces derniers avaient dû changer de commandants
avec l’élection de deux nouveaux consuls, Caïus Laelius et Lucius Cornélius
Scipion, frère de Publius Cornélius Scipion l’Africain, lequel avait décidé,
contre l’avis du Sénat, de participer à l’opération. Quant à l’amiral Caïus
Livius Salinator, il avait été remplacé par le préteur Marcus Aemilius
Regillus, réputé surtout pour son excessive prudence.
Pour
Hannibal, ce renversement de situation constituait une divine surprise. D’une
part, les Tyriens et les Phéniciens, rassurés par le succès de Polyxénidas à
Samos, consentirent à armer plus de navires que prévu. D’autre part, le fils
d’Hamilcar savait désormais qu’il retrouverait bientôt face à lui Publius
Cornélius Scipion et qu’il pourrait, si Melqart le voulait, venger la défaite
de Zama en infligeant à son ancien vainqueur une déroute cuisante. C’était là
une occasion à ne pas rater et il dut user de toute son influence auprès
d’Antiochos pour que ce dernier ne réponde pas aux offres de négociations
faites à la Cour d’Éphèse par Marcus Aemilius Regillus. Se sentant en mauvaise
posture, le préteur était prêt à envisager les conditions d’un armistice, voire
d’une paix. Fort heureusement, l’ennemi juré du monarque séleucide, Eumène de
Pergame, s’y opposa avec violence, arguant que pareille décision ne pouvait
être prise sans la présence des consuls.
Hannibal
quitta Tyr avec environ quarante navires et cingla vers le nord au plus fort de
l’été. Les Rhodiens se portèrent, avec trente-six bateaux, à sa rencontre et,
par une matinée d’août, les deux flottes se firent face au large des côtes de
Pamphylie, non loin de la presqu’île de Sidé. Disposant de la supériorité en
nombre, Hannibal passa à l’attaque, commandant l’aile gauche, la droite étant
confiée à un amiral séleucide, Apollonios. À bord de sa quinquérème, le chef
punique dirigea la manœuvre comme s’il avait toujours commandé sur mer. Ses
hommes étaient galvanisés en voyant un général âgé de plus de soixante ans,
revêtu d’une lourde cuirasse, aller et venir le long du pont par une forte
canicule. Il infligea à l’amiral ennemi, Eudamos, de lourdes pertes, mais dut
venir au secours de son second, plutôt médiocre manœuvrier, qui avait déjà
perdu une partie de ses bateaux. Constatant que le gros de la flotte rhodienne
s’apprêtait à le repousser vers la côte, le fils d’Hamilcar regroupa ses
navires et réussit à les faire sortir de ce piège, faisant retraite vers
Coracaesium [88] ,
où il obligea ses soldats, pourtant perclus de fatigue, à commencer
sur-le-champ les réparations sur les quinquérèmes et quadrirèmes endommagées.
Pour ce
premier combat en mer, il n’avait pas remporté de victoire mais n’avait pas
essuyé de défaite, tout au contraire. La flotte rhodienne avait subi, elle
aussi, de solides pertes, et ne serait pas opérationnelle avant des semaines.
Aussi, le vainqueur de Cannae envoya un messager à Antiochos, lui demandant
d’attaquer la flotte romaine et celle de Pergame qui stationnaient près du cap
Korykos, dans les parages de Myonèsos. En principe, Polyxénidas disposait de la
supériorité numérique mais les bateaux adverses infligèrent de nombreuses
avaries aux siens, en lançant contre eux des brûlots, des sortes de pots
remplis d’un mélange de poix et de soufre enflammé. Ils étaient disposés au
bout de longues perches situées à
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