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Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Titel: Hasdrubal, les bûchers de Mégara Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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Scipion Aemilianus me fit convoquer. Il me reçut
en présence de son ami Polybe et de plusieurs de ses officiers. D’un ton qui ne
souffrait aucune réplique, il m’annonça qu’il avait décidé d’effectuer une
tournée d’inspection dans les ruines de la cité jadis fondée par Elissa et
qu’il m’invitait à l’accompagner. J’eus beau le supplier de m’épargner cette
épreuve, il demeura insensible à mes prières. J’étais son prisonnier et il
avait décidé de me montrer qu’il était désormais maître de ma destinée. Je dus
lui obéir et nous quittâmes le camp, escortés par un maigre détachement de
cavalerie.
    En chemin,
nous croisâmes de longues files de prisonniers, hommes, femmes, enfants et
vieillards. Le visage émacié par la faim et noirci par la suie, ils
attendaient, enchaînés, d’être conduits jusqu’à Utique où des navires les
mèneraient à destination des marchés d’esclaves de Sicile, de Campanie, d’Ostie
ou de Rome. Ils y seraient vendus pour des sommes dérisoires. Le nombre des
captifs était tel qu’il ferait chuter le cours de la main-d’œuvre servile.
Hommes, femmes et enfants s’étaient regroupés par famille, savourant tristement
les derniers moments qu’ils passaient ensemble. Bientôt, ils seraient séparés.
Leurs futurs propriétaires choisiraient en effet la marchandise selon des
critères précis et se montreraient insensibles aux supplications des mères
auxquelles on arracherait leur époux ou leur progéniture. Du temps de notre
splendeur, nous ne nous étions pas comportés autrement envers les malheureux
tombés en notre pouvoir et les Fils de la Louve n’avaient aucune raison de se
montrer plus humains que nous.
    Assis ou
couchés à même le sol, les yeux hagards, ces captifs étaient étrangement
silencieux. Au passage de notre cortège, la plupart baissèrent les yeux,
craignant sans doute d’être massacrés. Tout à coup, l’un d’entre eux me
reconnut et me désigna à ses voisins. Aussitôt, des cris de haine fusèrent de
partout sans que les gardiens tentent de faire taire ceux qui les poussaient.
Je savais que Scipion Aemilianus m’observait à la dérobée et je résolus de ne
point laisser paraître mon trouble. Qu’avais-je d’ailleurs à me
reprocher ? Je m’étais battu courageusement tant que j’avais eu la
conviction que nous avions une chance infime de l’emporter. Lorsque j’avais
réalisé que tout était perdu, j’avais sacrifié mon honneur et ma dignité pour
essayer d’atténuer les souffrances de mes compatriotes en envoyant Himilkat
plaider leur cause et voilà comment ceux-ci me remerciaient. Soudain, dominant
ces rauques vociférations, j’entendis une voix familière m’admonester. C’était
celle d’Aristée, mon ancien précepteur :
    — Hasdrubal,
les dieux, dans leur infinie clémence, ont voulu que je te revoie une dernière
fois. À mes côtés, se tient ton vieux maître, Himilkat, jadis grand prêtre du
temple d’Eshmoun auquel tu avais conseillé de se rendre aux Fils de la Louve.
Quand il est revenu t’annoncer que ceux-ci acceptaient d’épargner les civils et
les militaires ayant trouvé refuge dans le temple d’Eshmoun, il t’a caché la
vérité. Le consul n’a accepté de lui accorder satisfaction qu’à la seule
condition qu’il partagerait le sort commun de tous ses compatriotes,
c’est-à-dire qu’il serait vendu comme esclave. Il n’a pas eu pitié de sa
qualité de grand prêtre qui aurait dû lui valoir un traitement privilégié. Il
s’est sacrifié pour les siens, sans émettre la moindre protestation. Il n’a
rien voulu te dire car il espérait secrètement que toi-même, tu te résoudrais,
le temps venu, à solliciter leur clémence et que si tu apprenais la façon dont
il était traité, tu préférerais choisir la mort.
    Te savoir
vivant l’a comblé de joie mais, depuis, il a sombré dans une étrange morosité.
A deux reprises, il a tenté de mettre fin à ses jours et aurait réussi si je ne
l’avais sauvé de justesse. Si un reste de pitié habite encore ton cœur, je te
supplie d’intervenir en sa faveur afin de lui éviter l’humiliation d’être vendu
aux enchères. Tu n’as qu’un mot à dire et tes protecteurs, redoutant d’endurer
la colère des dieux, te donneront satisfaction. Permets-lui de se retirer avec
moi à Hadrim, à Utique ou à Neapolis, afin qu’il se consacre à une pieuse
mission. Il passera le peu de temps qu’il lui

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