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Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Titel: Hasdrubal, les bûchers de Mégara Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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Masinissa auquel tu avais fait grief de sa conduite. Plutôt que d’assumer
ses responsabilités, il a préféré faire porter le poids de sa faute sur le
meilleur de ses officiers. Sans cela, Bithya lui serait resté fidèle et
figurerait aujourd’hui parmi nos vainqueurs.
    — Hasdrubal,
je comprends les sentiments qui t’animent. Tu aimes tes enfants et je te
promets que nul ne touchera à un cheveu de leur tête. À une seule condition.
Demain, quand le jour sera levé, tu m’accompagneras jusqu’à nos avant-postes.
Là, face à tes hommes, tu me supplieras à genoux de faire grâce aux tiens. Si
je le pouvais, je t’éviterais pareille humiliation. Mais la haine que vouent
mes soldats aux Carthaginois est telle qu’ils ne comprendraient pas que
j’agisse autrement. Quant à Magon et à Arishat, ils sont désormais placés sous
ma protection et je veillerai à ce qu’ils soient bien traités. Malheureusement,
je ne puis rien faire pour Bithya et ses soldats. Je sais que Gulussa me
refusera leur grâce et je n’entends pas entrer en conflit avec lui à ce sujet.
    Au petit
matin, les trompettes retentirent dans le camp romain. Avec le consul, je
m’avançai jusqu’à une portée de trait des défenseurs du sanctuaire qui, tous,
se précipitèrent en masse sur le pourtour de l’enceinte pour observer la scène.
Je les entendis pousser des cris de désespoir car ils crurent tout d’abord que
j’avais été fait prisonnier par traîtrise, en menant une opération nocturne
avec quelques membres de ma garde. Quand ils me virent m’agenouiller devant
Scipion Aemilianus et lui demander à haute voix d’épargner ma femme et mes
enfants, ils m’accablèrent d’insultes. Bien que je n’ose les retranscrire, je
me souviens encore de chacune de leurs paroles. Ils se turent quand le consul,
se tournant vers ses légionnaires, déclara en me montrant :
    — Voyez,
soldats, comme la Fortune s’entend à donner des leçons en frappant ainsi les
hommes atteints de déraison. C’est là cet Hasdrubal qui, hier, repoussait
toutes les offres généreuses que je lui faisais et disait qu’il n’était pas de
plus belles funérailles que l’incendie où périssait la patrie. Il est ici
maintenant avec les rameaux du suppliant ; il nous prie de lui laisser la
vie sauve et met en nous tout son espoir. Qui ne comprendrait, à ce spectacle,
qu’on ne doit jamais, lorsqu’on n’est qu’un homme, agir ou parler avec
outrecuidance.
    Vous le
savez, depuis le début de cette guerre, j’ai combattu à vos côtés et, plus
d’une fois, je suis venu à votre rescousse lorsque des chefs incompétents, que
Rome a punis, mettaient en danger vos jours. J’ai partagé vos peines et vos souffrances
et je n’ai jamais rien exigé de vous en retour. En tant que votre général, j’ai
droit à une partie du butin pris à cette cité. Cette part, je vous l’offre à
condition que vous m’accordiez en retour la vie sauve pour mon plus farouche
adversaire, Hasdrubal, ainsi que pour sa femme et ses enfants. Je sais que
beaucoup d’entre vous veulent venger la mémoire de leurs camarades tombés au
combat ou exécutés par les Puniques. Je comprends ce sentiment qui vous honore
mais je souhaite que les générations futures puissent se souvenir non seulement
de vos hauts faits mais de votre grandeur d’âme. Je suis sûr que Scipion
l’Africain et Paul Emile ne se comporteraient pas autrement que moi et c’est en
leur nom que je vous prie d’accéder à cette requête.
    Une formidable
ovation salua les propos du consul. Frappant de leurs glaives leurs boucliers,
les légionnaires lui firent connaître leur approbation. Quand le calme revint,
une voix se fit entendre au loin. C’était celle de mon épouse, Himilké.
Entourée de mes enfants et de ses servantes, les cheveux défaits et recouverts
de cendres en signe de deuil, mais portant sa plus belle tenue, elle s’adressa
à Scipion Aemilianus :
    — Noble
Romain, je te remercie de ton offre généreuse et je prie nos dieux qu’ils
t’accordent une longue vie pour te récompenser de ce geste. Néanmoins, je ne
puis accepter de me rendre et d’abandonner à une mort certaine tous ceux qui
m’entourent. J’appartiens à la famille d’Hamilcar et d’Hannibal et je me dois
de tenir mon rang. Tant que Carthage était debout, j’avais une raison de vivre
et j’ai prié chaque jour Baal Hammon et la bienfaisante Tanit pour qu’ils
accordent la victoire à

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