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Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Titel: Hasdrubal, les bûchers de Mégara Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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notre armée. La providence en a décidé autrement et je
me soumets à ses décrets. J’aime mes enfants, ils sont la chair de ma chair et
le sang de mon sang. Je les ai élevés dans le respect de nos traditions et dans
l’amour de notre patrie. Je ne puis imaginer qu’ils puissent être heureux loin
de cette cité où ils sont nés et rien ne me serait plus odieux que de les savoir
éduqués sur une terre étrangère et condamnés à mener une existence oisive alors
que leurs cousins, leurs oncles et tant de leurs parents ont donné leur vie
pour défendre la plus belle des villes. Puisque Carthage a péri, je veux qu’ils
périssent avec elle.
    J’ai une
seule faveur à te demander, Publius Cornélius Scipion Aemilianus. L’homme qui a
l’audace de prétendre être mon mari ne mérite pas ton indulgence. Il a trahi
ses dieux, sa femme et ses enfants. Jadis, il a fait exécuter son rival,
Hasdrubal l’étourneau, parce que celui-ci avait voulu négocier avec ton allié
Gulussa. Il a fait périr des centaines d’autres de ses compatriotes qu’il
soupçonnait de tiédeur. En leur nom et au nom des dieux de Carthage,
inflige-lui le châtiment qu’il réservait à ceux qu’il qualifiait alors de
traîtres. Voilà ce que j’avais à te dire, ô Romain.
    Quant à
toi, Hasdrubal, sache que tu es le plus lâche et le plus méprisable des hommes.
Tu me verras mourir ici avec mes enfants mais, bientôt, tu orneras le triomphe
de celui devant lequel tu t’es agenouillé et dont tu as baisé les pieds. Tu
défileras devant son char dans les rues de Rome et, à l’issue de cette
cérémonie, le bourreau viendra t’étrangler. Ce sera encore une mort trop douce
pour un être aussi vil et aussi répugnant que toi et les siècles à venir se
rappelleront ta vilenie.
    Dès
qu’elle eut fini de parler, elle s’empara de l’épée de Bithya et égorgea mon
fils et ma fille. Puis, avec les autres occupants du sanctuaire, elle mit le
feu au temple de Baal Eshmoun et périt dans l’incendie.
    Celui-ci
dura près d’une semaine car nous y avions entassé d’importantes quantités de
bois afin de renforcer la défense de son enceinte. Le jour, une épaisse fumée
noirâtre montait de la ville et obscurcissait le ciel. Quand le soleil se
couchait pour céder la place aux ténèbres, l’on pouvait, à plusieurs stades à
la ronde, se diriger à la lumière des flammes rougeoyantes qui formaient comme
un gigantesque luminaire.
    Lorsque le
feu cessa, il ne restait plus rien d’un édifice qui faisait jadis la gloire de
Carthage et dans lequel des milliers de pèlerins se rendaient chaque année pour
offrir des sacrifices à Baal Eshmoun. Le sol était à ce point brûlant que les
vainqueurs durent attendre plusieurs jours avant de pouvoir pénétrer dans le sanctuaire
dont les accès étaient sévèrement gardés par plusieurs centaines de
légionnaires. Ils avaient pour mission d’intercepter les rares survivants qui,
dissimulés dans les sous-sols du bâtiment, avaient réussi à échapper à la mort.
Chaque nuit, plusieurs de ces malheureux, le plus souvent des prêtres, étaient
ainsi capturés et aussitôt exécutés. Seule une poignée d’entre eux parvint à
tromper la surveillance des gardes et à gagner la région du Beau Promontoire où
des âmes charitables leur offrirent l’hospitalité.
    Pendant ce
temps, les légionnaires, aidés par des milliers de captifs, rasèrent ce qui
restait de l’enceinte de notre ville, sous la surveillance de Pères conscrits
envoyés par le Sénat romain dès lors que Scipion Aemilianus avait prévenu ce dernier
qu’il comptait lancer l’assaut final contre la cité d’Elissa. Quand celle-ci ne
fut plus qu’un amas de ruines, ces chiens organisèrent une cérémonie religieuse
spéciale. Après avoir offert des centaines de bêtes à Jupiter Capitolin et à
Mars, ils firent répandre sur le sol du sel, signifiant par là même que cet
endroit était maudit et que nul ne pourrait plus jamais y habiter ou y édifier
une nouvelle ville.
    Depuis ma
reddition et la mort des miens dont j’avais été le témoin impuissant, je vivais
dans le camp romain, reclus sous une tente jouxtant celle du consul et
soigneusement gardée, jour et nuit, par une dizaine de légionnaires. J’avais
ordre de ne point la quitter et des esclaves m’apportaient mes repas sous la
surveillance d’un centurion chargé de veiller à ce qu’ils ne me transmettent
aucune information. Un matin,

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