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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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s’en inquiéta pas.
    Il allait néanmoins se lancer courageusement à sa recherche, ne fût-ce que pour ne pas rester seul, planté comme un piquet dans son coin de la salle quand il vit venir à lui Mme Maublanc qu’il avait remarquée jusqu’à présent comme tenant sa belle place parmi les danseuses les plus acharnées en dépit d’atours aussi peu conformes que possible au climat tropical.
    Eulalie traînait après elle une énorme bulle de satin rose saumon qui la faisait ressembler assez exactement à un lever de lune rousse. Sa taille, qui était loin d’avoir la minceur de celles de Judith ou de Denyse de La Vallée, s’étranglait dans l’impitoyable corset baleiné qui avait pour effet de remonter vers le haut ce qu’il resserrait vers le bas. Sa gorge, déjà opulente, avait doublé de volume et menaçait à chaque instant de s’évader de sa prison de brillant satin. Elle avait visiblement très chaud et, sous la haute coiffure poudrée où s’étageait un jardin constellé d’oiseaux, son visage rose vif, d’où le maquillage avait disparu, brillait, en pleine liquéfaction.
    La voyant foncer sur lui avec la décision d’une frégate lancée à l’abordage et peu désireux d’un contact plus étroit avec l’imposante notairesse, Gilles recula vivement sous l’abri d’une plante verte qui se trouva opportunément placée près d’une porte-fenêtre et, de là, passa sans peine sur la terrasse qu’il se hâta de traverser pour gagner les escaliers descendant vers les jardins. Il atteignait l’ombre protectrice d’un gigantesque oranger quand le ballon rose qu’il fuyait se campa au seuil de la salle de danse, agitant un éventail frénétique et fouillant la terrasse d’un regard inquisiteur. Doucement, il recula d’un pas, comme s’il craignait d’être encore trop visible, puis d’un autre. À travers le lacis noir des branches et des feuilles, la terrasse éclairée, la femme en robe rose ne furent plus qu’un puzzle auquel manquaient des pièces…
    Il était à présent dans une allée de lauriers-roses et de frangipaniers qui filait droit vers une pelouse sur laquelle s’étalaient majestueusement les branches d’un énorme fromager. Contrairement à la roseraie, cette partie du jardin n’avait d’autre lumière que celle des étoiles et de rares quinquets. Il y faisait calme et doux. La chanson des violons s’éloignait en même temps que Gilles et il trouva ce calme, cette fraîcheur embaumée de la nuit délicieux après la fournaise du bal. À ses pieds, la ville et ses lumières s’étendaient et puis, plus loin, le bleu profond de la mer…
    N’ayant aucune envie de retourner au milieu de la foule, il continua sa promenade lentement, paisiblement, foulant sans bruit le sable muet, regrettant seulement qu’il ne soit pas séant d’emporter sa pipe dans le monde. C’eût été tellement agréable d’accompagner sa flânerie de la familière odeur du tabac !
    Un léger bruit de voix, suivi d’un éclat de rire féminin, l’arrêta. Sur sa droite s’ouvrait une petite allée vaguement indiquée par le reflet d’un lampion rose caché dans les profondeurs d’un berceau de vigne. La lumière, très faible, était celle d’une veilleuse : tout juste suffisante pour éviter les chutes mais gardant à la nuit son mystère.
    Il allait s’éloigner discrètement quand le rire féminin se fit entendre de nouveau : un rire doux comme un roucoulement de colombe, un rire qu’il crut bien reconnaître. Avançant d’un pas dans la petite allée couverte, il aperçut vaguement auprès de deux jambes très masculines, chaussées de bas de soie blanche et de souliers à boucle d’or, la masse noire d’une robe de femme.
    Il n’hésita qu’un instant. Emporté par une soudaine bouffée de colère, il franchit en trois sauts l’espace qui le séparait du couple. Ce fut pour découvrir que son oreille, exercée à la sûre école des Indiens, ne l’avait pas trompé : c’était bien sa femme qui était là, à demi couchée sur un banc garni de coussins entre les bras du vicomte de Rendières qui l’embrassait voracement tandis qu’une de ses mains caressait un sein arrogant échappé à sa prison de dentelles noires.
    Il ne fallut qu’un instant à Tournemine pour séparer le couple. Empoignant Rendières par le col de son habit, il l’arracha de sa femme comme le jardinier arrache une liane parasite et l’envoya rouler sur le sable. Mais, chose

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