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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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planter ma tente. Mais, Pierre, si Madalen choisissait d’épouser ce Ned, je suis tout prêt à vous rendre votre liberté à tous les trois. Je n’oublie pas que je vous dois ma fortune et, si vous désirez, ta mère et toi, vous installer ici, je veillerai à ce que vous puissiez y vivre dignement. Quant à Madalen, je la doterai et…
    — Pas un mot de plus, je vous en supplie, monsieur Gilles ! fit Pierre dont les yeux bleus s’emplissaient de larmes. Ma mère, ma sœur feront ce qu’elles voudront mais moi jamais je ne vous quitterai. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas très envie de plaider la cause de Ned auprès de ma sœur. Si elle l’accepte, si elle l’aime cela signifiera notre séparation. Alors… si toutefois la chose ne vous ennuyait pas trop, j’aurais voulu vous demander d’interroger Madalen à ma place. Vous serez un ambassadeur plus impartial que moi.
    — Crois-tu ? Je n’ai pas la moindre envie de te voir malheureux, dit Gilles, sincère, car il se voyait mal demandant la main de celle qu’il aimait pour un homme qu’il n’avait jamais vu.
    Pierre haussa les épaules avec résignation.
    — Tôt ou tard nous serons séparés. Il faudra bien que Madalen se marie et, si vous n’étiez pas venu, elle serait à l’heure présente dans un couvent pour filles pauvres. Donc il faudra bien se résigner, mais aujourd’hui j’aimerais mieux que vous lui parliez.
    — Et ta mère ? N’est-ce pas là son rôle ?
    — Normalement oui, mais croyez-vous que ma mère aura envie de se séparer de l’un de ses enfants ? Si vous consentez à me rendre ce service, votre intervention lui évitera des craintes, des angoisses peut-être… ou, tout au moins, elle les retardera.
    — Tu as réponse à tout, dit Tournemine en posant affectueusement sa main sur l’épaule du jeune homme. Je verrai Madalen. Sais-tu où je peux la trouver à cette heure ?
    — Dans la lingerie, sans doute. En dehors de l’église où elle va chaque matin entendre la messe et des repas qu’elle prend à la cuisine avec nous, elle y passe le plus clair de la journée. Il y a toujours beaucoup de travail car Fanchon est très exigeante pour le linge de madame.
    Gilles fronça les sourcils. Il n’aimait pas beaucoup cela et si Fanchon, s’appuyant peut-être sur leurs relations récentes, y puisait l’autorisation de tout régenter dans la maison, elle n’allait pas tarder à déchanter. Lui-même avait commis une erreur en se laissant aller au plaisir facile qu’elle représentait et il était plus que temps de remettre, une bonne fois pour toutes, la jeune personne à sa place.
    — Je vais voir Madalen de ce pas, confia-t-il à Pierre, un peu honteux de cacher sous le prétexte d’un service le désir ardent qu’il avait d’approcher la jeune fille.
    Et sans écouter la réponse du jeune homme, il tourna les talons et fila vers la maison.
    La lingerie, ainsi que le lui apprit une petite servante noire qui transportait un pot de chocolat fumant, se trouvait au second étage, sous l’une des pentes du toit. Elle y recevait le jour par une lucarne sous laquelle Madalen était assise, un petit tambour à broder entre les doigts.
    Le tableau qu’elle offrait était si joli, lorsque Gilles ouvrit la porte de la petite pièce, qu’il s’accorda le plaisir de la contempler un instant, depuis le seuil. Vêtue d’une ample robe de toile azurée dont le décolleté assez bas s’habillait d’une pudique guimpe de mousseline assortie à ses manchettes, un petit bonnet de même tissu perché sur la masse soyeuse de ses cheveux couleur d’or pâle, la jeune fille travaillait avec application, penchant sur son ouvrage un délicieux profil encore enfantin et les longues paupières douces dont Gilles savait bien quels magnifiques yeux bleu sombre, presque violets, elles abritaient. Elle mettait tant d’ardeur à sa broderie qu’un petit bout de langue rose apparaissait. Un frais parfum de linge blanchi sur le pré et de sachets d’herbes qui, dans les armoires ouvertes, reposaient entre les piles de draps emplissait la pièce et semblait émaner de Madalen elle-même.
    La porte s’était ouverte sans bruit et n’avait pas dérangé la jeune fille, mais quand Gilles se décida à pénétrer dans la lingerie elle tressaillit, comme un dormeur que l’on éveille, tourna la tête vers lui et, reconnaissant le visiteur, rougit brusquement. Elle voulut se lever mais la surprise l’avait rendue

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