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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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jamais la passion du jeu avait été inscrite sur une figure humaine, c’était bien sur celle-là.
    Vêtu avec une irréprochable élégance d’une redingote de drap fin de coupe anglaise, le jeune homme – car il n’avait guère plus de vingt ans – était d’une beauté presque féminine. Cela tenait essentiellement à la délicatesse de sa peau couleur d’ivoire, à la finesse de ses cheveux bruns, soyeux et bouclés, et à la longueur invraisemblable des cils qui ombrageaient ses yeux noisette car ses mâchoires bien dessinées avaient de la fermeté et ses lèvres minces un pli déterminé qui frisait l’obstination. Mince et nerveux, le beau jeune homme tranchait par sa grâce nonchalante sur son entourage d’Américains de sang anglais ou hollandais aussi vigoureusement charpentés que hauts en couleur.
    La chance, apparemment, ne lui souriait pas. Les pièces d’or glissaient les unes après les autres de ses doigts d’une finesse tout aristocratique, diminuant d’autant les piles, à vrai dire peu épaisses, qui demeuraient devant lui sur la table.
    Avec une parfaite impassibilité apparente, il regardait fondre sa fortune tandis que gonflait celle du banquier. Seul le très léger tremblement de ses mains trahissait sa nervosité intérieure.
    Soudain, il poussa d’un seul coup sur le tapis ce qui lui restait, regarda les cartes que l’on venait de lui servir puis les deux dix que venait de retourner le banquier. Alors, vidant le verre posé auprès de lui, il se leva avec un haussement d’épaules agacé.
    — Décidément je ne suis pas en veine, dit-il en français.
    En même temps, son regard accrochait celui de Gilles qui n’avait pas cessé de l’observer.
    — Voulez-vous ma place, monsieur ? dit-il en souriant. Elle ne vaut rien mais peut-être en tirerez-vous quelque chose.
    — Essayons toujours, répondit Tournemine en lui rendant son sourire.
    — Oh ! Vous êtes français ? Êtes-vous aussi de ceux qui ont combattu pour ce sacré pays et qui ont choisi d’y rester ensuite ?
    — J’ai combattu ici, en effet, mais je n’y suis pas resté. En fait, je n’y suis revenu que depuis peu. Vous permettez ? Nous allons voir si cette place est aussi mauvaise que vous l’affirmez.
    S’installant sur la chaise laissée libre par le jeune homme, il tira vingt dollars de sa poche et les jeta sur le tapis. L’instant suivant, il en avait gagné cent dont la vue arrondit brusquement les grands yeux noisette du jeune homme.
    — Vous voyez ? dit-il seulement en rejouant la totalité de la somme qui quintupla rapidement.
    — Sur ma parole ! s’écria le jeune homme. Vous êtes un heureux gaillard, monsieur. Quel est votre secret… ?
    — Aucun, si ce n’est que je joue seulement pour m’amuser.. Mais peut-être vous-même ne croyez-vous pas assez à votre chance ?
    — Elle me traite si mal, fit le jeune homme avec une grimace comique.
    Gilles joua encore trois coups et gagna ses trois coups. Une véritable petite fortune en or et en billets s’amoncelait à présent devant lui et lui valait les regards envieux des autres pontes. Il allait peut-être jouer encore quand il aperçut la tête rousse de Tim qui surgissait par-dessus celles des spectateurs, de l’autre côté de la table, et ses grands bras qui lui faisaient signe.
    — Je crois que je vais m’en tenir là, dit-il en faisant glisser dans ses poches la petite colline sonore. Vous rendrai-je votre place, monsieur ? Ou bien pensez-vous qu’elle n’est pas encore suffisamment exorcisée ?
    — Je la reprendrai avec enthousiasme… malheureusement je n’ai plus un liard. À moins que…
    Il s’arrêta. Une subite rougeur envahit son beau visage tandis que la flamme passionnée de tout à l’heure s’allumait de nouveau dans son regard.
    — À moins que je ne vous prête quelque argent ? C’est cela, n’est-ce pas ? acheva Gilles qui le voyait venir.
    — Pas exactement. Monsieur, je me nomme Jacques de Ferronnet. À l’exception d’un oncle vieux garçon et de quelques cousines à des degrés divers disséminées un peu partout, je n’ai plus de famille mais je possède, à Saint-Domingue, une plantation d’indigo et de coton. Je vous vends cette plantation cinq mille dollars ! Acceptez-vous ?
    — Disons que vous me la gagez cinq mille dollars ! Tenez, monsieur, voici la somme…
    Et Gilles revida ses poches sur la table tandis que, fiévreusement, le jeune Ferronnet griffonnait

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