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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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faire subir la brûlait comme un fer rouge et sa haine lui remontait dans la gorge avec un goût de fiel.
    Comment aurait-elle pu supposer que cette petite sotte, avec ses airs de madone, irait raconter toutes chaudes à son maître les confidences, peut-être imprudentes, qu’elle, Fanchon, lui avait faites dans l’espoir de l’en dégoûter ? Comme si on pouvait dégoûter une fille amoureuse en lui racontant les exploits amoureux de l’homme qu’elle aime ! Fanchon se serait battue de s’être montrée aussi stupide… Sa première idée avait été bien meilleure quand elle avait profité de l’absence de Gilles pour tenter d’empoisonner Madalen parce qu’elle s’était aperçue de l’intérêt passionné que lui portait le chevalier. Malheureusement, cette vieille folle de Rozenn l’avait surprise et elle avait dû la supprimer pour éviter d’être dénoncée mais elle avait pris bien soin d’arracher un morceau du plus beau jupon de Judith pour l’abandonner près de l’endroit où l’on trouverait la vieille femme. De Judith qu’elle entendait supprimer elle aussi, à son heure… une heure qui viendrait tôt ou tard…
    Dans la cervelle, pas très solide, de Fanchon, l’amour qu’elle avait conçu pour Gilles après s’être donnée à lui avait fait d’étranges ravages, creusé d’étranges galeries… Elle en était venue à penser qu’en supprimant ces femmes qui se dressaient entre elle et celui qui ne voulait plus être son amant, elle l’amènerait à s’attacher uniquement à elle, à revenir au plaisir qu’elle avait si bien su lui donner. Et elle avait trouvé tout naturel de mettre en pratique certaines leçons, certains conseils que lui avaient dispensés les hommes avec qui elle avait vécu à la Folie Richelieu.
    À cause de cette maudite Madalen, tous ses plans s’en allaient à vau-l’eau. Momentanément tout au moins, car elle refusait de s’avouer vaincue, de renoncer pour toujours au seul homme qui ait jamais su mettre dans son sang une telle folie. Non, elle ne rentrerait pas en France. Elle ne se laisserait pas embarquer, comme du bétail ou comme une voleuse, pour être rejetée quelques semaines plus tard sur un quai de Nantes et retourner à la misère ou à la prostitution. L’homme qu’elle voulait ferait voile bientôt pour Saint-Domingue ? Eh bien, elle aussi irait à Saint-Domingue et elle n’aurait pas de cesse qu’elle n’eût mené à bien ce qu’elle considérait à présent comme une vengeance sacrée. Les joies de l’amour viendraient ensuite, d’elles-mêmes…
    Aussi, quand la voiture que conduisait David Hunter déboucha sur le quai de l’East River, Fanchon lui demanda-t-elle de l’arrêter là et de la laisser descendre.
    — Je suis bien assez grande pour prendre un bateau toute seule, lui dit-elle d’une petite voix mouillée par les larmes. Et puis cela me gêne terriblement que l’on m’amène au Comte de Noe comme un paquet dont on veut se débarrasser. Je vous en prie, Mr. Hunter, laissez-moi ici. C’est… c’est une question de dignité.
    L’Américain haussa les épaules mais retint ses chevaux. Il savait très bien qu’il ne réussirait jamais à comprendre tout à fait ces Français avec leurs histoires toujours si compliquées. Et puis il avait un peu pitié de cette pauvre fille qui avait pleuré comme une fontaine tout le long du chemin. Après tout, on lui avait ordonné de la mener au port, il l’avait menée au port. Pour le reste, elle pouvait se débrouiller comme elle l’entendrait…
    — Dans ce cas, miss, vous voici arrivée, dit-il en se penchant pour ouvrir la portière. Je vous souhaite un heureux voyage.
    — Merci, Mr. Hunter. Soyez sans crainte, il sera heureux…
    Debout sur le quai, ses bagages à ses pieds, elle le regarda faire tourner ses chevaux et s’éloigner dans Broad Street et dans un nuage de poussière tout à la fois. Après quoi, avisant non loin d’elle l’enseigne d’une des nombreuses auberges installées sur le port, elle ramassa son sac, son baluchon et, tournant résolument le dos aux navires rangés le long du quai, elle se dirigea d’un pied léger vers le refuge qu’elle s’était choisi.
    Durant le trajet en voiture, un plan audacieux avait germé dans sa cervelle, un plan qu’elle avait quelques jours pour réaliser : le maître-coq du Gerfaut était amoureux d’elle et elle savait qu’elle n’aurait guère de peine, en échange de quelques heures

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