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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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n’aime apprendre que ses secrets d’alcôve courent les cuisines mais elle ne s’en était pas sentie autrement offensée, sachant bien que la plupart des domestiques aiment à épier leurs maîtres et à discuter entre eux leurs faits et gestes. Elle avait même vu, dans l’espionnage auquel s’était livrée Fanchon, une marque d’intérêt et même d’attachement et, n’imaginant pas un instant que sa camériste pût être jalouse d’elle, Judith avait plaint celle-ci qui s’était vu chasser ignominieusement pour s’être sans doute indignée du traitement brutal infligé par le maître à une femme enceinte.
    Depuis l’effroyable aventure vécue près du château de Trecesson au soir de ses noces avec le docteur Kernoa, Judith avait gardé des hommes une crainte et une méfiance instinctives. Il avait fallu toute la puissance magnétique de Cagliostro pour éloigner d’elle les cauchemars étouffants et les terreurs nocturnes qui la minaient mais, quand la guérison était enfin venue, Judith avait décidé de ne plus écouter que ses impulsions personnelles, bonnes ou mauvaises : aller vers qui lui plaisait, frapper qui l’offensait sans s’encombrer autrement de considérations philosophiques, morales ou religieuses. Ainsi, Fanchon ayant été l’un des éléments majeurs d’une existence qu’elle avait aimée, elle avait regretté d’en être séparée par ce qu’elle estimait être une autorité arbitraire. D’autant qu’elle n’avait, à son sens, pas gagné au change, la sévère et silencieuse Anna Gauthier n’étant pas, et de loin, aussi amusante que Fanchon, toujours gaie, toujours prête à rire et qui, véritable soubrette de comédie, offrait un bien séduisant mélange de servante adroite, de bouffon et de confidente. Quant à Madalen, Judith avait tout de suite détesté, d’instinct, cette fille trop belle, trop douce, trop silencieuse elle aussi et qu’elle n’avait jamais entendue rire.
    La réapparition quasi miraculeuse de sa camériste lui fit donc l’effet d’un cadeau du Ciel et, quand le capitaine eut achevé son ouvrage, elle le remercia puis s’établit au chevet de la blessée après en avoir renvoyé les autres femmes. Aussi, quand Fanchon sortit de son troisième évanouissement sous l’effet d’un flacon de sels d’ammoniac promené sous ses narines, fut-ce le visage de sa maîtresse qu’elle vit le premier en ouvrant les yeux, des yeux qui, instantanément, s’emplirent de larmes.
    — Madame !… Oh, madame ! C’est bien vous qui êtes là ? Oh ! merci, mon Dieu ! J’ai bien cru… que je ne reverrais jamais ni vous ni le soleil.
    Elle essaya de se redresser mais son bras blessé l’en empêcha et elle retomba sur son oreiller avec un gémissement de douleur.
    — Restez tranquille, Fanchon, vous êtes en sûreté. Mais quelle folie de vous cacher ainsi dans cette cale sans air, sans lumière et par cette chaleur ! Vous pouviez étouffer.
    — Je sais, madame, je sais, mais… mais il fallait que je vous revoie, que je vous dise… M. le chevalier m’a chassée sans même me laisser le temps de me disculper, sans me permettre de revoir madame… C’était pas possible que je reparte ainsi ! Et puis, pour aller où ? Depuis que je vis avec vous, je me suis attachée. Oh ! j’ai bien souffert mais je serais prête à souffrir encore cent fois plus. Et dire que tout cela n’aura servi à rien, à rien…
    Et Fanchon se mit à pleurer comme une fontaine. Apitoyée, Judith lui offrit son mouchoir qu’elle trempa instantanément.
    — Pourquoi cela n’aura-t-il servi à rien ?
    — Mais… mais parce que M. le chevalier va me renvoyer à coup sûr ! Dès que nous serons à terre, il m’embarquera sur quelque navire. Mais cela ne se serait pas passé si j’avais pu tenir jusqu’au bout sans qu’on me découvre. Là-bas, je me serais bien arrangée pour revoir madame, lui parler…
    — Voyons, Fanchon, calmez-vous ! Vous vous faites un mal affreux et vous préjugez, sans le savoir, de ce que sera la réaction de mon époux.
    — Non. Non, je sais… Il me déteste… et tout cela à cause de cette fille, qui elle aussi me déteste.
    Judith dressa l’oreille et fronça le sourcil.
    — Cette fille ? Qui donc ?
    — Cette petite sotte, cette Madalen qui n’a rien compris à ce que je lui disais. Je sais qu’elle est amoureuse du maître et j’ai voulu lui faire comprendre qu’elle perdait son temps… que

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