Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
Vom Netzwerk:
j’allais acheter « Haute-Savane » et planter ma tente à Saint-Domingue. Je comptais acheter en Louisiane.
    — Vous auriez sans doute mieux fait. Si encore vous étiez seul. Mais il y a des femmes blanches avec vous et la vôtre est singulièrement belle.
    — Que voulez-vous dire à la fin ? Expliquez-vous. Ce n’est tout de même pas le diable, votre Simon Legros ?
    — Pas le diable en personne, non… mais une assez bonne imitation. Je me bornerai à vous dire ceci, monsieur de Tournemine : Simon sème la terreur là-haut. Il martyrise les Noirs qu’il utilise jusqu’à épuisement total. Personne ne renouvelle son cheptel aussi souvent que lui. Mais, qui plus est, il ne tolère aucun Blanc dans ce qu’il prend petit à petit l’habitude de considérer comme son empire. Le jeune Jacques de Ferronnet ne s’y est pas trompé qui a préféré prendre la poudre d’escampette après la mort… peut-être un tout petit peu trop rapide et rapprochée, de son père et de sa mère. Si j’étais vous, je mettrais rapidement « Haute-Savane » en vente et je reprendrais à la fois la mer et mes projets en Louisiane.
    — Seulement, vous n’êtes pas moi, fit Gilles avec une douceur qui n’excluait pas une inébranlable fermeté. J’ai combattu avec La Fayette, Washington et Rochambeau, docteur. J’ai combattu, en Espagne et en France, des ennemis au moins aussi redoutables que ce Legros parce qu’ils étaient beaucoup plus haut placés et beaucoup plus cachés et, même dans mon enfance, je n’ai jamais eu peur de Croquemitaine. Mais je m’étonne que les autorités de cette île n’aient pas mis bon ordre à un tel état de choses. Après tout, Legros n’est que l’intendant d’une plantation. On pouvait le châtier, il me semble ?…
    — On pouvait, en effet, mais on ne l’a pas fait. Dans cette île, monsieur, où les propriétaires de plantations vivent souvent une partie ou même la totalité de l’année en France, les intendants sont une puissance avec laquelle il faut compter. Notre homme… ou plutôt le vôtre n’est pas si mal en Cour, que ce soit auprès du gouverneur ou même de l’intendant général, M. de Barbé de Marbois. Il a l’art des présents judicieux et, si vous entrez en lutte contre lui, vous pourriez vous en apercevoir. Entre un nouveau venu, un inconnu… qui commence d’ailleurs par refuser de se rendre au palais parce qu’il entend soigner un nègre, et un homme déférent, respectueux de la hiérarchie et capable de rendre certains services, je crains que l’on n’hésite pas beaucoup. Quant à moi, je n’hésite pas du tout : merci de vouloir vous charger de ma rédemption en m’offrant un poste honorable, mais j’aime mieux marcher pieds nus que pourrir à un croc de boucher dans le hangar aux pénitences de Simon Legros. Puis-je à présent espérer que vous me ferez ramener à terre ?
    Sans répondre, Gilles fouilla dans sa poche, en tira sa bourse bien remplie et, sans même en examiner le contenu, la mit dans la main du médecin qui la fixa incontinent à la ficelle où s’attachait son pantalon.
    — Comme vous voudrez, docteur, dit-il enfin. Vous pouvez repartir, le canot vous attend. Je vous remercie encore de vos soins. Reviendrez-vous voir vos malades ?
    — Pour la femme, c’est inutile. Pour le Noir, je reviendrai demain matin. Peut-être aurez-vous réfléchi et changé d’avis…
    — Je ne crois pas. Je vous dis donc au revoir car demain vous ne me reverrez pas. Je compte monter, dès l’aube, à « Haute-Savane »…
    Sans rien ajouter, Liam Finnegan s’inclina et, suivi de son hôte, remonta sur le pont. Il se dirigeait vers la coupée au bas de laquelle l’attendait le canot quand il croisa soudain Anna Gauthier et sa fille qui, après avoir contemplé un moment le mouvement si coloré du port, revenaient vers l’arrière du navire où le repas du milieu du jour n’allait pas tarder à être sonné.
    Elles causaient entre elles et ne prêtèrent aucune attention à cet homme qui pouvait être aussi bien un ouvrier du port qu’un vagabond et, sans le regarder, passèrent auprès de lui à le toucher et s’éloignèrent.
    Gilles vit alors Finnegan se figer sur place puis lentement, lentement, se détourner pour suivre des yeux les deux femmes. Et ce fut seulement quand elles eurent disparu que, semblable à un homme qui sort d’un songe, il reprit son chemin mais d’un pas beaucoup plus lent, presque

Weitere Kostenlose Bücher