Haute-Ville, Basse-Ville
réglé très vite ;
• L'enquête du coroner ne révéla rien. Dès ce moment, l'impuissance de la police à dénicher un fautif fit jaser : on murmurait les noms de deux prétendus coupables,
les fils de députés libéraux, que l'on dérobait à la justice.
Une enquête on discovery tenue pour faire écho à ces
rumeurs ne permit aucun progrès ;
• La rumeur prit la forme d'une curieuse petite brochure, La Non-Vengée, attribuée à Raoul Renaud. Cet auteur présentait une version intéressante des faits, en impliquant le fils «de l'un des hommes les plus en vue de Québec » ;
• On ne faisait pas que murmurer. Sans doute aiguillonné par son sort de candidat conservateur défait lors de l'élection fédérale de 1921, Armand Lavergne accusait du haut d'une tribune le gouvernement Taschereau de protéger les coupables. John Roberts faisait de même dans un petit journal obscur, The Axe. Taschereau le fit comparaître devant l'Assemblée législative pour avoir attenté à la dignité de cette noble institution, et fit amender la loi pour la rendre plus sévère. La législation allait s'appliquer rétroactivement à Roberts: il se retrouva suffisamment longtemps en prison pour ne pouvoir intervenir dans l'élection provinciale de 1923;
• Deux personnes furent accusées du meurtre de Blanche Garneau et traduites devant un tribunal malgré leur alibi très solide. Armand Lavergne s'occupa de la défense de l'un d'eux. La police se couvrit de ridicule pour avoir si mal mené son enquête, et le bureau du procureur général, pour avoir montré un tel empressement à poursuivre ces faux coupables. Cela ne pouvait qu'alimenter les rumeurs sur une conspiration des autorités politiques pour protéger les vrais assassins ;
• Enfin, libéraux et conservateurs participèrent à une grand-messe: une commission royale d'enquête sur l'administration de la justice dans l'affaire Blanche Garneau, où l'on convint que tout avait été fait dans les
règles. Un exorcisme, en quelque sorte, au sujet d'une histoire qui empoisonnait la vie politique depuis trois ans.
Cette histoire, c'était du bonbon pour quiconque avait des prétentions littéraires. J'en caressais justement. J'avais publié, de 1972 à 1976, quatre romans destinés à un public adolescent. Les trois premiers donnaient dans la science-fiction, le dernier dans le roman historique. Quoi de mieux, pour quitter le domaine du roman «jeune public», que ce fait divers? A ce moment, les crimes célèbres faisaient recette, particulièrement les récits sur le triste sort de Cordélia Viau ou Wilbert Coffin. En fait, l'histoire de Blanche Garneau était si intéressante que j'en étais encore à glaner des articles quand Réal Bertrand publia Qui a tué Blanche Garneau ? Sur le mode historique, tout était dit, et bien dit, dans ce livre. Il me restait donc le mode littéraire.
Mais les exigences du doctorat, puis le début d'une carrière dominée par le publish or perish, prirent tout mon temps, y compris les loisirs. Je revins sur le sujet avec le désir de m'inspirer librement du fait divers. Très librement en fait, au point de changer le nom de la victime et de tous les protagonistes de l'affaire, l'année du meurtre... et presque tout le reste. En fait, je ne retins que ceci :
• Le prénom de Blanche, si évocateur, et des éléments de sa vie personnelle ;
• Le fait que l'un des policiers enquêteurs s'est retrouvé à l'asile psychiatrique - en 1923, puis de 1925 à sa mort en 1974. Cela ne s'invente pas, cette fragilité policière ;
• La tenue d'une enquête on discovery et la publication de La Non-Vengée. Dans mon roman, je simplifie le scénario de Raoul Renaud, et je remplace le prénom de son personnage, Henri, par «H»;
• Et surtout la sourde rumeur d'une conspiration pour
soustraire des coupables à la justice.
Tout le reste, c'est une «histoire inventée». Afin de ne pas laisser d'ambiguïté à ce sujet, j'ai même changé les noms de personnages historiques connus. En même temps, j'ai voulu rester toujours dans le vraisemblable. Je me suis absorbé dans les annonces classées et les articles des journaux, et dans le catalogue Eaton. Je sais combien Elise payait ses bas de soie, ce que Renaud déboursa pour sa radio Marconi et son phonographe RCA Victor. Je sais même ce qu'il écoutait à la radio : la programmation se trouvait dans les
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