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Herge fils de Tintin

Herge fils de Tintin

Titel: Herge fils de Tintin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoit Peeters
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artistique des
membres chrétiens qui la composent. De la formation
artistique, on a généralement une idée assez fausse, en ce
sens que l’on envisage seulement la formation technique.
La vraie formation artistique comprend d’abord la formation morale de l’artiste. […] L’artiste a une très grande responsabilité dans ses œuvres et, avant de produire, il doit
commencer par former sa vie, une vie exemplaire à tous
points de vue.
    Ce moralisme peut faire sourire. Mais il est le signe
d’une exigence qui marquera durablement Georges Remi.
    Placé sous la responsabilité d’un « directeur-prêtre »,
l’Atelier de la Fleur de Lys est organisé suivant des principes stricts, qui évoquent ceux du monde des corporations que valorisent hautement les mouvements d’Action
catholique.
Les membres passent successivement par trois degrés. Ils sont
d’abord apprentis. Ensuite, après avoir produit le « chef-d’œuvre », ils deviennent compagnons. Lorsqu’ils ont enfin
trouvé le sens de leur vie, leur vraie voie, lorsqu’ils sont àmême de produire de véritables œuvres d’art, ils sont
patrons 8 .
    Fort heureusement, Georges Remi n’est pas toujours
aussi pontifiant. Quelques semaines après avoir rédigé ce
vertueux programme, le jeune homme découvre un
pendu dans la forêt de Soignes, avec son camarade François Denis. Passé le moment d’horreur, il a le réflexe de
récupérer la corde du pendu. Les jours suivants, il débite
par morceaux ce supposé porte-bonheur, à raison de 25
centimes le centimètre. La corde paraît sans fin tant il parvient à en vendre…
    En cette année 1924, une question préoccupe le
dessinateur : celle de la signature. Au début, il a multiplié les paraphes : G.R., G. Remi, AFL, ou encore Remi
AFL. Rien de tout cela ne le satisfait. C’est en décembre,
dans Le Boy-Scout , qu’apparaît pour la première fois la
mention « Hergé », qu’il a formé en inversant ses initiales. Il disait parfois avoir réservé son véritable nom
pour plus tard, quand il se sentirait mûr pour le grand
Art. Mais pour le moment il veut surtout effacer ce
« Remi » qui lui plaît d’autant moins qu’on ne cesse de
le transformer en « Rémi », et se forger un nom qui soit
vraiment le sien. C’est comme une première marque
d’indépendance, une façon de s’affranchir d’une famille
à laquelle il voudrait ne rien devoir.
     
    La fin de ses études secondaires n’a rien qui puisse
l’exalter. Bien que très bon élève (il termine ses humanités
avec de nombreux prix d’excellence), Georges n’envisage
pas un instant de faire des études supérieures. « À la
maison, cela n’est venu à l’idée de personne. Je devaisdevenir employé, comme mon père 9  », déclarera-t-il. Il
ne semble pas avoir exprimé la moindre frustration à cet
égard. Sa famille est modeste. Il faut qu’il se mette en
quête d’un métier. Point final.
    Pour tout arranger, l’été de ses dix-huit ans est assombri
par une blessure sentimentale. Georges a beau avoir fait
ses études secondaires dans un collège catholique, il n’est
ni coincé ni bégueule. Bien que les bons pères ne cessent
de parler des femmes comme de « créatures » redoutables,
le jeune homme a une petite amie. Elle s’appelle Marie-Louise Van Cutsem, mais tout le monde la surnomme
« Milou ». Plus âgée que Georges de près de deux ans,
elle le connaît depuis l’enfance. Les familles Remi et
Van Cutsem sont très liées, et passent ensemble nombre
de dimanches ainsi que les rares jours de vacances qu’il
leur arrive de prendre. Les albums de photos montrent de
joyeux groupes d’adultes et d’enfants, dans la forêt de Soignes et sur les plages d’Ostende et d’Ostdunkerke.
    Les premiers dessins que Georges a tracés dans le carnet
de poésie de Marie-Louise datent de 1918 10 . Leur amitié
devient amoureuse pendant « la belle année 1924 ».
Georges vient d’avoir dix-sept ans, « Milou » est une
jeune fille imposante de bientôt dix-neuf ans. L’adolescent
pose fièrement à ses côtés, lui passant le bras autour du
cou. Avec son chapeau, sa cravate et son air décidé, il
cherche de toutes ses forces à se vieillir. Mais M. Van
Cutsem, un décorateur de renom qui travaille notamment pour le grand architecte Victor Horta, considère ce
Georges qui ne fait que dessiner comme un garçon sansavenir : une longue frise sur une nappe en papier aurait
porté le coup fatal à

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