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HHhH

HHhH

Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
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père
Petřek, qui les a accueillis et cachés dans son église. L’un d’eux
répond : « Nous sommes des Tchèques ! Nous ne nous rendrons
jamais, vous entendez, jamais, jamais ! » Ce n’est sans doute pas
Gabčík, qui aurait précisé : « des Tchèques et des
Slovaques » ; à mon avis, c’est Valičík. Mais une voix
répète : « Jamais ! » et ponctue d’une rafale. Là, je
reconnais plus le style de Gabčík (mais la vérité, c’est que je n’en sais
rien du tout).
    Toujours est-il que la
situation est bloquée. Personne ne peut ni entrer ni sortir de la crypte.
Dehors, des haut-parleurs répètent en boucle : « Rendez-vous et
sortez les mains en l’air. Si vous ne vous rendez pas, nous allons faire sauter
toute l’église et vous serez ensevelis sous les décombres. » À chaque
annonce, les occupants de la crypte répondent par une salve. La Résistance,
bien que fréquemment dénuée de parole, s’exprime aussi avec une merveilleuse
éloquence. Dehors, on demande à des SS alignés en rang de se porter volontaires
pour descendre dans la crypte. Personne ne moufte. Le commandant réitère,
menaçant. Quelques soldats, livides, s’avancent. Le reste est désigné d’office.
On choisit à nouveau un homme pour descendre par la trappe. Même
punition : une rafale dans les jambes, un horrible hurlement, un estropié
de plus chez les surhommes. Si les parachutistes disposent de munitions en
quantité, ça peut durer longtemps.
    La vérité, c’est que je ne veux
pas finir cette histoire. Je voudrais suspendre éternellement ce moment où les
quatre hommes dans la crypte décident de ne pas se résigner et de creuser un
tunnel. Sous l’espèce de vasistas-meurtrière, avec je ne sais quels outils, ils
constatent que le mur, placé au-dessous du niveau du sol, est fait de briques
qui s’effritent et se descellent aisément. Peut-être après tout y a-t-il un
moyen, peut-être, si nous pouvons creuser dans la pierre. Derrière le fragile
mur de brique, ils atteignent de la terre meuble qui les fait redoubler
d’effort. Combien peut-il y avoir jusqu’à une canalisation, un égout, un chemin
qui mènerait au fleuve ? Vingt mètres ? dix mètres ?
Moins ? Les sept cents SS sont dehors le doigt sur la détente, paralysés
ou surexcités par le trac et la peur de ces quatre hommes, par la perspective
d’avoir à déloger des ennemis retranchés, décidés et pas impressionnés, qui
savent se battre et dont ils ignorent d’ailleurs le nombre, comme s’il pouvait
y avoir des bataillons entiers là-dedans (la crypte fait quinze mètres de
long) ! Dehors, on s’agite dans tous les sens et Pannwitz donne des
ordres. Dedans on creuse avec l’énergie du désespoir, peut-être s’agit-il de
lutter pour lutter et rien d’autre, peut-être personne ne croit-il à ce plan d’évasion
insensé, délirant, pré-hollywoodien, mais moi j’y crois. Les quatre hommes
piochent, se relaient-ils pour piocher, tandis qu’on entend la sirène des
pompiers dans la rue ? Ou peut-être n’y a-t-il pas de sirène, je dois
consulter à nouveau le témoignage du pompier qui a participé à cette journée
terrible. Gabčík ahane en piochant dans la terre, il transpire maintenant,
lui qui avait si froid depuis des jours, je suis sûr que c’est lui qui a eu
l’idée du tunnel, il est tellement optimiste de nature, et c’est lui qui creuse
aussi, il ne supporte pas l’inaction, l’attente mortelle d’un destin fatal,
non, pas sans rien faire, pas sans essayer quelque chose. Kubiš ne sera pas
mort pour rien. Il ne sera pas dit que Kubiš est mort pour rien. Avaient-ils commencé
à creuser pendant l’assaut de la nef, profitant du tumulte des explosions pour
couvrir le bruit des coups de pioche ? Je l’ignore aussi. Comment peut-on
savoir tant de choses et si peu à la fois sur des gens, une histoire, des
événements historiques avec lesquels on vit depuis des années ? Mais au
fond de moi je sais qu’ils vont réussir, je le sens, ils vont se tirer de ce
guêpier, ils vont échapper à Pannwitz, Frank sera fou de rage et l’on fera des
films sur eux.
    Où est ce foutu témoignage du
pompier ?
    Aujourd’hui nous sommes le
27 mai 2008. Quand les pompiers arrivent, vers 8 heures, ils voient
des SS partout et un cadavre sur le trottoir car personne n’a cru bon d’enlever
le corps d’Opálka. On leur explique ce qu’on attend d’eux. C’est Pannwitz qui a
eu cette idée

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