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HHhH

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Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
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vivisection sur 74 jeunes détenues constituent l’une des plus
sinistres particularités de Ravensbrück. Les expériences, menées d’août 42 à
août 43, consistaient en des opérations très mutilantes visant à reproduire les
blessures qui avaient coûté la vie à Reinhardt Heydrich, le gauleiter de
Tchécoslovaquie. Le professeur Gerhardt, n’ayant pu le sauver d’une gangrène
gazeuse, souhaitait prouver que l’emploi des sulfamides n’y aurait rien changé.
Il inocula donc volontairement des germes infectieux aux jeunes femmes dont
beaucoup moururent. »
     
    Je passe sur les approximations
(« gauleiter », « Tchécoslovaquie », « gangrène
gazeuse »…) Je sais donc que cette histoire ne se terminera jamais
vraiment pour moi, que je continuerai toujours à apprendre des choses en
relation avec cette affaire, avec l’extraordinaire histoire de l’attentat
organisé contre Heydrich le 27 mai 1942 par des parachutistes tchécoslovaques
venus de Londres. « Surtout, ne cherchez pas à être exhaustif »,
disait Barthes. Voilà une recommandation qui m’avait complètement échappé…
257
    C’est un paquebot aux armatures
rouillées qui glisse sur la Baltique comme un poème de Nezval. Derrière lui, Josef
Gabčík laisse les côtes sombres de la Pologne et quelques mois drapés dans
les ruelles de Cracovie. Avec lui, d’autres fantômes de l’armée tchécoslovaque
sont enfin parvenus à embarquer pour la France. Ils circulent à bord, fatigués,
inquiets, incertains, joyeux pourtant à la perspective de se battre enfin
contre l’envahisseur, sans rien savoir encore de la Légion étrangère, de
l’Algérie, de la campagne française ou du brouillard de Londres. Dans les
coursives étroites, ils se bousculent maladroitement, à la recherche d’une
cabine, d’une cigarette ou d’une connaissance. Gabčík, accoudé, regarde la
mer, si étrange à ceux qui viennent d’un pays enclavé comme le sien. C’est sans
doute pourquoi son regard n’est pas dirigé vers l’horizon, trop facile représentation
symbolique de son avenir, mais vers la ligne de flottaison du bâtiment, là où
les va-et-vient de l’eau ondulent et s’écrasent sur la coque, puis s’écartent,
puis s’écrasent de nouveau, en un mouvement de balancier hypnotique et
trompeur. « Tu as du feu, camarade ? » Gabčík reconnaît
l’accent morave. Il éclaire de son briquet le visage du compatriote. Une
fossette au menton, des lèvres épaisses pour fumer, et dans les yeux, c’est
frappant, un peu de la bonté du monde. « Je m’appelle Jan », dit-il.
Une volute se disperse dans l’air. Gabčík sourit sans répondre. Ils auront
tout le temps, durant la traversée, de faire connaissance. D’autres ombres se
sont mêlées aux ombres des soldats en civil qui arpentent le navire, vieillards
déboussolés, dames seules au regard voilé, enfants sages qui tiennent leur
petit frère par la main. Une jeune femme qui ressemble à Natacha se tient sur
le pont, les mains posées sur le bastingage, une jambe repliée jouant avec
l’ourlet de sa jupe, et moi aussi, peut-être, je suis là.
     
    ----
    [1] Certains prétendent que
« bouffer le tapis » est une expression en allemand comparable à
« manger son chapeau » en français et que les correspondants
étrangers, à l’époque, ont eu le tort de la comprendre au sens propre, ce qui
valut à Hitler d’être gratifié de cette légende burlesque. Pourtant, je me suis
renseigné et n’ai trouvé trace nulle part de cette expression idiomatique.
     

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