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HHhH

HHhH

Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
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son menaçant allié. Il reste qu’au total,
des milliers de personnes périrent des conséquences de l’attentat. Mais parmi
elles, on dit que tous ceux qui furent jugés pour avoir apporté aide et soutien
aux parachutistes déclarèrent bravement qu’ils ne regrettaient rien et, à la
face des nazis qui les jugeaient, qu’ils étaient fiers de mourir pour leur pays.
Les Moravec ne trahirent pas leur concierge. Les Fafek ne trahirent pas la
famille Ogoun qui survécut également. Respect pour ces hommes et ces femmes de
bonne volonté, voilà à peu près ce que je voulais dire, ce que je ne voulais
pas oublier de dire, avec toute ma maladresse, avec toute l’inhérente
maladresse des hommages ou des condoléances.
    Aujourd’hui Gabčík, Kubiš
et Valičík sont des héros dans leur pays où leur mémoire est régulièrement
célébrée. Ils ont chacun une rue à leur nom, à proximité du lieu de l’attentat,
et il existe en Slovaquie un petit village du nom de Gabčíkovo. Ils
continuent même à monter en grade à titre posthume (je crois qu’ils sont
capitaines, actuellement). Ceux qui les ont aidés directement ou indirectement
ne sont pas aussi connus et, exténué par les efforts désordonnés que j’aurai
produits pour rendre hommage à tous ces gens, je tremble de culpabilité en
songeant aux centaines, aux milliers de ceux que j’ai laissés mourir anonymes,
mais je veux penser que les gens existent même si on n’en parle pas.
252
    Le plus juste hommage rendu par
les nazis à la mémoire d’Heydrich ne fut pas le discours prononcé par Hitler
aux funérailles de son serviteur zélé mais probablement ceci : en
juillet 1942 débute le programme d’extermination de tous les Juifs de
Pologne, avec l’ouverture de Belzec, Sobibor et Treblinka. De juillet 1942
à octobre 1943, plus de 2 millions de Juifs et près de 50 000
Roms vont périr dans le cadre de ce programme. Le nom de code donné au
programme est Aktion Reinhard .
253
    À quoi pense ce travailleur
tchèque au volant de sa camionnette en ce matin d’octobre 1943 ? Il
roule dans les rues sinueuses de Prague, une cigarette aux lèvres, et sans
doute sa tête est-elle pleine de soucis. Derrière, il entend sa cargaison qui
bringuebale, des cageots ou des caisses en bois qui glissent et heurtent les
parois du véhicule au rythme des virages. En retard ou pressé d’en finir avec
sa corvée pour aller boire un verre avec ses camarades, il roule vite sur le
mauvais tarmac abîmé par la neige. Il ne voit pas la petite silhouette blonde
qui court sur le trottoir. Lorsque celle-ci se précipite sur la route avec la
soudaineté dont seuls les enfants sont capables, il freine mais il est trop
tard. La camionnette percute l’enfant qui va rouler dans le caniveau. Le
conducteur ne sait pas encore qu’il vient de tuer le petit Klaus, fils aîné de
Reinhard et Lina Heydrich, ni qu’il va être déporté pour ce fatal moment
d’inattention.
254
    Paul Thümmel, alias René, alias
Karl, alias A54, a pu survivre à Terezín jusqu’en avril 45. Mais maintenant que
les Alliés sont aux portes de Prague, les nazis évacuent le pays et ne
souhaitent pas laisser de témoins gênants derrière eux. Lorsqu’on vient le
chercher pour être fusillé, Paul Thümmel demande à son camarade de cellule de
transmettre ses compliments au colonel Moravec, s’il en a l’occasion. Il ajoute
ce message : « Ce fut un réel plaisir de travailler avec les services
de renseignement tchécoslovaques. Je regrette que cela doive se terminer ainsi.
Mon réconfort est que tout ceci n’aura pas été accompli en vain. » Le
message sera transmis.
255
    — Comment avez-vous pu
trahir vos camarades ?
    — Je pense que vous auriez
fait la même chose pour un million de marks, Votre Honneur !
    Arrêté par la Résistance près
de Pilsen pendant les derniers jours de la guerre, Karel Čurda est jugé et
condamné à mort. Il est pendu en 1947. Il monte sur l’échafaud en lançant au
bourreau des plaisanteries obscènes.
256
    Mon histoire est finie et mon
livre devrait l’être, mais je découvre qu’il est impossible d’en finir avec une
histoire pareille. C’est mon père, encore, qui m’appelle pour me lire un texte
qu’il a recopié au musée de l’Homme, où il sortait d’une exposition sur
Germaine Tillion, anthropologue et résistante, déportée à Ravensbrück,
récemment décédée. Le texte disait ceci :
    « Les
expériences de

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