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HHhH

HHhH

Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
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avec
lequel il s’entretient longuement en tête à tête. Ce qu’a pu lui dire Heydrich,
je l’ignore, mais à l’issue de cette rencontre, son opinion est faite. Il explique
à Himmler : « Cet homme est extraordinairement doué et
extraordinairement dangereux. Nous serions stupides de nous passer de ses
services. Le Parti a besoin d’hommes comme lui, et ses talents, dans l’avenir,
seront particulièrement utiles. De plus, il nous sera éternellement
reconnaissant de l’avoir gardé et il obéira aveuglément. » Himmler,
vaguement inquiet d’avoir sous ses ordres un homme capable d’inspirer une telle
admiration au Führer, acquiesce néanmoins, car il n’est pas dans ses habitudes
de discuter les avis de son maître.
    Heydrich a donc sauvé sa tête.
Mais il a revécu le cauchemar de son enfance. Quelle étrange fatalité permet
qu’on l’accuse d’être juif, lui qui incarne si manifestement la race aryenne
dans toute sa pureté ? Sa haine croît contre le peuple maudit. En
attendant, il retient le nom de Gregor Strasser.
34
    Je ne sais à quelle époque
exactement, mais j’incline à penser que c’est dans ces années-là qu’il décide
d’une petite modification à l’orthographe de son prénom. Il fait sauter le t final : Reinhardt devient Reinhard. Quelque chose de plus dur.
35
    J’ai dit une bêtise, victime à
la fois d’une erreur de mémoire et d’une imagination quelque peu intrusive. En
fait, le chef des services secrets anglais, à cette époque, se faisait appeler
« C », et non pas « M » comme dans James Bond .
Heydrich aussi s’est fait appeler « C », et non pas « H ».
Mais il n’est pas sûr que, ce faisant, il ait voulu copier les Anglais,
l’initiale désignant probablement plus simplement der Chef .
    Par contre, en vérifiant mes
sources, je suis tombé sur cette confidence, faite à je ne sais pas qui, mais
qui montre qu’Heydrich avait une idée bien arrêtée de sa fonction :
« Dans un système de gouvernement totalitaire moderne, le principe de la
sécurité de l’Etat n’a pas de limite, donc celui qui en a la charge doit
s’attacher à acquérir un pouvoir presque sans entrave. »
    On pourra reprocher beaucoup de
choses à Heydrich, mais pas de ne pas tenir ses promesses.
36
    Le 20 avril 1934 est un
jour à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire de l’ordre noir :
Göring cède la Gestapo, qu’il a créée, aux deux chefs de la SS. Himmler et
Heydrich prennent possession des superbes locaux de la Prinz Albrecht Strasse,
à Berlin. Heydrich choisit son bureau. Il s’y installe. S’attable. Se met au
travail immédiatement. Il pose du papier devant lui. Prend sa plume. Et
commence à faire des listes.
    Ce n’est évidemment pas de
gaieté de cœur que Göring abandonne la direction de sa police secrète, d’ores
et déjà l’un des joyaux du régime nazi. Mais c’est le prix à payer pour
s’assurer du soutien d’Himmler contre Röhm : le petit-bourgeois de la SS
l’inquiète moins que l’agitateur socialisant de la SA. Röhm se plaît à clamer
que la révolution national-socialiste n’est pas finie. Mais Göring ne voit pas
les choses sous cet angle : ils ont eu le pouvoir, leur unique tâche
désormais consiste à le garder. À coup sûr, Heydrich, même si Röhm est le
parrain de son fils, souscrit à ce point de vue.
37
    Tout Berlin bruisse d’une
atmosphère de complot à cause d’un document qui circule en ville. C’est une
liste tapée à la machine. Les observateurs neutres sont frappés du manque de
précaution avec lequel cette feuille de papier s’échange dans les cafés,
passant de mains en mains sous les yeux des serveurs dont tout le monde sait
qu’ils sont des indicateurs à la solde d’Heydrich.
    C’est ni plus ni moins
l’organigramme d’un hypothétique cabinet ministériel. Dans ce futur
gouvernement, Hitler reste chancelier, mais les noms de Papen ou Göring
disparaissent. En revanche, ceux de Röhm et de ses amis, ceux de Schleicher,
Strasser, Brüning, y figurent.
    Heydrich montre la liste à
Hitler. Celui-ci, qui n’aime rien moins que de pouvoir conforter ses tendances
paranoïaques, étouffe de rage. Cependant l’hétérogénéité de la coalition le
laisse perplexe : Schleicher, par exemple, n’a jamais compté parmi les
amis de Röhm, qu’il méprise souverainement. Heydrich rétorque que le général
von Schleicher a été vu en grande discussion avec l’ambassadeur

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