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HHhH

HHhH

Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
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Ça se présente
très mal. Cependant, les joueurs de Kiev refusent d’abdiquer. Ils égalisent
sous les vivats de la foule. Puis ils marquent un second but et le stade
explose.
    À la mi-temps, le général
Ebherardt, superintendant de Kiev, rend visite aux joueurs ukrainiens dans leur
vestiaire, et leur tient ce discours : « Bravo, vous avez pratiqué un
excellent jeu et nous avons apprécié. Seulement, maintenant, durant la seconde
mi-temps, vous devrez perdre. Vous le devez ! L’équipe de la Luftwaffe n’a
jamais perdu, spécialement en territoires occupés. C’est un ordre ! Si
vous ne perdez pas, vous serez exécutés. »
    Les joueurs ont écouté en
silence. De retour sur le terrain, sans concertation préalable, après un bref
moment d’incertitude, ils prennent leur décision : ils jouent. Ils
marquent un but, puis un autre, et finissent par l’emporter 5-1. Le public
ukrainien est en délire. Le côté allemand gronde. Des coups de feu sont tirés
en l’air. Mais personne parmi les joueurs n’est encore inquiété, car les
Allemands pensent qu’ils vont laver l’affront sur le terrain.
    Trois jours plus tard, un match
revanche est organisé dont la promotion est faite à grand renfort d’affiches.
Entre-temps, les Allemands font venir en catastrophe des joueurs professionnels
de Berlin pour renforcer leur équipe.
    Le second match démarre. Le
stade est à nouveau plein à craquer, mais cette fois des troupes de SS sont
déployées autour, officiellement afin de maintenir l’ordre. Les Allemands
ouvrent encore le score. Mais les Ukrainiens ne lâchent rien, et l’emportent
5-3. À la fin du match, les supporters ukrainiens délirent de joie, mais les
joueurs sont livides. Les Allemands tirent des coups de feu. La pelouse est
envahie. Dans la confusion, trois joueurs ukrainiens disparaissent dans la
foule. Ils survivront à la guerre. Le reste de l’équipe est arrêté et quatre
joueurs sont immédiatement emmenés à Babi Yar, où ils sont exécutés. À genoux
devant la fosse, le capitaine et gardien de but, Nikolaï Trusevich, a le temps
de crier, avant de recevoir une balle dans la nuque : « Le sport
rouge ne mourra jamais ! » Par la suite, les autres joueurs seront
assassinés à leur tour. Aujourd’hui, un monument leur est dédié devant le stade
du Dynamo.
    Il existe un nombre incroyable
de versions de ce « match de la mort » légendaire. Certaines
affirment qu’il y eut encore un troisième match durant lequel les Ukrainiens
l’emportèrent… 8-0 ! et que c’est seulement à l’issue de ce match que les
joueurs furent arrêtés et exécutés. Mais la version que je livre ici me semble
la plus crédible, et de toute façon, toutes s’accordent sur les grandes lignes.
J’ai peur d’avoir commis quelques inexactitudes, parce que je n’ai pas pris le
temps de mener une enquête approfondie sur un sujet qui n’a pas de rapport
direct avec Heydrich, mais je ne voulais pas parler de Kiev sans raconter cette
incroyable histoire.
113
    Sur le bureau d’Hitler, les
rapports du SD s’entassent, pour dénoncer le scandaleux laxisme qui règne dans
le Protectorat. Relations du Premier ministre tchèque Aloïs Eliáš avec Londres,
actes de sabotage, réseaux de Résistance encore actifs, multiplication des
propos séditieux entendus en public, marché noir en pleine expansion, baisse de
la production de 18 %, la situation telle qu’elle est brossée par les
hommes d’Heydrich semble explosive. Or, avec l’ouverture du front russe, le
rendement de l’industrie tchèque, l’une des meilleures d’Europe, commence à
prendre un caractère vital pour le Reich. Il faut que les usines Škoda tournent
à plein régime pour soutenir l’effort de guerre.
    Tout paranoïaque qu’il est,
Hitler n’est sans doute pas totalement dupe : il doit savoir qu’Heydrich,
qui convoite la place de Neurath, le protecteur de Bohême-Moravie, a tout
intérêt à noircir le tableau pour discréditer la politique du vieux baron. Mais
en même temps, Hitler n’aime pas les mous (ni les barons, d’ailleurs). Et les
dernières nouvelles sont la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Un appel au
boycott des journaux d’occupation, lancé depuis Londres par Beneš et sa clique,
a été remarquablement suivi par la population locale pendant toute une semaine.
En soi, le mal n’est pas bien grand, mais il s’agit d’une démonstration
magistrale de l’influence qu’a conservée

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