Histoire De France 1618-1661 Volume 14
doucement qu'eux aussi ils avaient des prisonniers qu'ils pourraient faire mourir. (Retz, p. 100.)—Elle savait à qui elle avait affaire. Ni Retz, ni le Parlement, ni Condé, ne voulaient d'États généraux, ni de révolution sérieuse. Cromwell, qui avait envoyé à Retz un homme sûr, vit bien vite que toute l'affaire était ridicule. Ce Catilina ecclésiastique, mené par les femmes, avait pour agents des curés et des bedeaux, des habitués de paroisse. Il veut relever les libertés de France; avec quoi? avec un clergé et une assemblée du clergé qui, par son obstination à fermer sa bourse, s'est montré et déclaré le véritable ennemi de l'État. Au moment de l'explosion, Retz ne sait ce qu'il fera, il l'avoue. Il allait écrire à l'Espagne, dit-il? mais il attend Condé ; puis, sur quelques coquetteries de madame de Longueville, il se jette de ce côté-là, et croit, contre Condé, pouvoir créer l'automate Conti. Et c'est dans cette indécision pitoyable qu'il fait le fier contre Cromwell, le méprise , dit-il. Cromwell avait dit un mot fort et profond, modeste, qui semblait un aveu: «On ne monte jamais si haut que quand on ne sait où l'on va.» Ce mot, dit Retz, à l'horreur que j'avais pour lui ajouta le mépris .—Lui, le petit bonhomme, il sait bien où il monte et ce qu'il veut: il veut monter d'abord à devenir gouverneur de Paris . Première chute; l'Italien rusé, au premier pas, lui fait donner du nez à terre. Puis, ce profond ambitieux veut être cardinal de Rome, et c'est pour cela qu'il fait l'amour à Anne d'Autriche. Seconde chute; ce chapeau, pour lequel il trahit la Fronde, lui tombe sur la tête et l'écrase définitivement. On le fait cardinal, mais c'est pour le mettre à Vincennes.—Tous ces ridicules de conduite et cette petitesse de nature n'empêchent pas que ses confessions (c'est plus que des Mémoires) ne soient le livre capital et primordial de la nouvelle langue française. Ce piètre politique est un admirable écrivain. [Retour au texte principal.]
Note 26: Pourquoi ai-je abrégé la Fronde? Pour l'éclaircir. Jusqu'ici elle reste obscure, parce que l'histoire y est restée l'humble servante des faiseurs de mémoires et des anecdotiers. L'histoire a été éblouie de tant d'esprit, de ce feu d'artifice de bons mots, de saillies; et moi, j'en levais les épaules. Un fléau me poursuit dans cette Fronde, le vrai fléau de la France, dont elle ne peut se défaire, la race des sots spirituels . Dans la très-vieille France, il n'y avait que certains terroirs, surtout nos hâbleurs du Midi, qui nous fournissaient des plaisants ; mais, depuis Henri IV et l'invasion gasconne, tout pays en abonde. Tout le royaume, dans la Fronde, se met à hâbler. Le plus triste, c'est que, de nos jours, les historiens de la Fronde, de ses héros et de ses héroïnes, admirant, copiant ce torrent de sottises bien dites et bien tournées, égayant ces gaietés ineptes de leurs légèretés assez lourdes, ont réussi à faire croire à l'Europe que la France, plus vieille de deux siècles, et moins amusante, à coup sûr, n'a pas beaucoup plus de cervelle. [Retour au texte principal.]
Note 27: J'adopte ce mot de Talon. Il est incontestable. Le massacre de la Saint-Barthélemy s'explique (sans se justifier) par un horrible accès de fanatisme, celui de septembre 93 par la panique de l'invasion et la furie de la peur. Mais celui du 4 juillet 1652 n'est évidemment qu'un acte de scélératesse et de calcul.—Peu importe qu'il y ait eu peu ou beaucoup de morts. Il n'y eut que trente morts considérables, et cent en tout, à ce qu'il paraît, du côté des assiégés. Les assaillants perdirent bien plus de monde par la résistance héroïque des archers de la Ville.—Condé négociait, et c'était pour aider aux négociations, et améliorer son traité en se faisant croire maître de Paris, qu'il organisa le massacre.—Mademoiselle elle-même ne dit pas non,—Talon et Conrart affirment positivement. Leur récit est confirmé par celui des Registres de l'Hôtel de Ville , t. III, p. 51-73. Le procureur du roi, Germain Piètre, veut qu'on le rappelle dans Paris. L'assemblée murmure au départ des princes, leurs partisans disent dans la foule qu'il n'y a rien à espérer de l'assemblée, et déchaînent la Grève contre l'Hôtel de Ville, etc. [Retour au texte principal.]
Note 28: M. Feillet a donné dans la Revue de Paris (15 août 1856) un très-précieux extrait de l' Histoire du
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