Histoire De France 1618-1661 Volume 14
en plus, n'eût pas tellement montré sa passion si elle ne l'eût crue légitime. Elle l'affiche pendant la Fronde avec une assurance extraordinaire. Elle l'avoue dans ses lettres à Mazarin, absent, avec l'effusion toute charnelle d'une épouse entièrement asservie par l'exigence du tempérament (Ravenel, Lettres ; Walckenaër, Sévigné , deuxième partie, p. 471; Cousin, Hautefort , p. 95, et 471-482. Voir aussi dans les Appendices de Saint-Simon , t. XII, édition de Chéruel).—Les Mémoires témoignent que Mazarin se conduisait avec elle, nullement avec les égards d'un amant, mais avec la rudesse d'un mari indélicat, brutal.—Reste à expliquer comment Mazarin, cardinal, a pu l'épouser. Mais il y a des exemples de princes cardinaux que Rome a décardinalisés, lorsqu'une nécessité politique les obligeait de se marier. Il est très-possible que l'attachement dévoué et fidèle de Mazarin pour les Barberini tînt au secret de cette dispense qu'ils lui avaient sans doute obtenue de leur oncle. Du reste, il n'est pas nécessaire d'être prêtre pour devenir cardinal. Mazarin, d'abord officier dans l'armée du pape, puis négociateur, était alors un abbate . Mais ce titre n'engage à rien en Italie. «Je ne pense pas qu'il y ait preuve que Mazarin ait jamais été prêtre. Je n'en trouve aucune trace.» Cette assertion est grave; elle est du savant et exact M. Chéruel, l'éditeur de Saint-Simon . Combien nous avons à regretter que sa grande publication des Lettres de Mazarin n'ait point paru encore! [Retour au texte principal.]
Note 19: Le beau et modeste récit des Mémoires de Turenne indique fort bien cependant qu'avec le corps Hessois qu'il commandait, il sauva tout. Dans sa lettre à sa sœur, il lui annonce avec une satisfaction contenue que Condé, dans l'effusion de sa reconnaissance, le remercia solennellement devant l'armée. Condé n'en reste pas moins dans l'histoire «le vainqueur de Nordlingen.» [Retour au texte principal.]
Note 20: Quand on n'aurait pas là-dessus le témoignage de Brienne et autres contemporains, on jugerait très-bien que les rôles de nos plénipotentiaires avaient été arrangés, que les impertinences du belliqueux Servien, en opposition avec la pacifique d'Avaux, étaient voulues par Mazarin pour gagner du temps et attendre quelque bonne circonstance. Celle qui vint, ce fut la paralysie financière, la ruine, la banqueroute, qui le mit hors d'état de profiter des révolutions de Naples et de Sicile. Puis, par-dessus tomba la Fronde, la révolution de Paris. Mazarin n'avait rien prévu.—La guerre avait duré si longtemps qu'on en avait oublié la cause, la spoliation du Palatin, l'oppression du Rhin (ce paradis devenu un désert. V. Turenne passim ), l'exécrable extermination de la Bohême. Tout fut approuvé, sanctionné au profit de l'Autriche et de la Bavière. Victoire réelle des catholiques allemands sur nos alliés protestants. Que signifie donc ce sot enthousiasme de quelques-uns sur l'impartialité du traité de Westphalie, sur cette fondation de l'équilibre de l'Europe, sur la gloire de la France, etc.? Il n'y eut aucun équilibre. Le parti catholique resta le plus fort en Europe, jusqu'à ce que l'Angleterre eût fini sa longue trahison, jusqu'à ce que la France, ruinée par Louis XIV, eût cédé l'ascendant aux puissances protestantes. [Retour au texte principal.]
Note 21: Mazarin continuait la guerre, mais la reine eût fort désiré s'arranger avec l'Espagne. Cela ressort des lettres inédites et fort amusantes d'un général des Capucins, Innocent de Calatagiron, qui se charge de rétablir la paix de l'Europe. Il explique lui-même avec beaucoup d'audace et de forfanterie comment il se glisse partout et fait la leçon aux reines et aux rois. Il s'adresse au duc d'Orléans, à sa fille Mademoiselle, aux dames d'honneur, etc. Il croit les avoir toutes remplies du saint désir de la vengeance de la religion en Allemagne et de la nécessité de la paix générale. Les moyens de cette paix sont peu pacifiques. Il en faut d'extraordinaires et de terribles , il faut exterminer ce qui n'est pas catholique. La reine Anne d'Autriche lui dit qu'elle ne demanderait pas mieux que de faire la paix et de se rapprocher des Espagnols. « Alors, mon caractère, mon habit, me firent tout oser ;» je lui dis qu'il ne suffisait pas de le désirer, qu'il fallait le faire, l'ordonner à ses ministres,» etc. Ailleurs, la reine lui dit qu'elle a donné ses ordres
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