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Histoire De France 1618-1661 Volume 14

Histoire De France 1618-1661 Volume 14

Titel: Histoire De France 1618-1661 Volume 14 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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Espagnols.
    Gustave-Adolphe avait pâli, et Richelieu, par un sens froid, exact, de la destinée du héros, jugeait qu'il était temps de l'abandonner. Waldstein et l'armée des brigands avaient ressuscité, et l'Allemagne ne secondait pas sérieusement son libérateur. Quand Gustave vint contre Waldstein défendre Nuremberg, la capitale du commerce et l'arche sainte du génie allemand, on le laissa deux mois languir, s'épuiser là de misère et de maladies.
    Richelieu calcula qu'il fallait profiter d'une situation encore entière et de l'effet moral qu'allait avoir ce coup de vigueur sur Montmorency. Avant l'exécution, il fit partir Beautru (le bouffon, l' esprit fort et l'excellent espion), de manière qu'il fût à Madrid quand la nouvelle de la mort arriverait, à temps pour voir la mine piteuse des Espagnols et pour en profiter. Beautru les trouva en effet abattus, détrempés, d'autant plus tendres aux avances imprévues de Richelieu. Il saisit ce moment pour dire qu'après tout on n'était pas ennemi, et il présenta les prisonniers espagnols que renvoyait le cardinal. On s'arrangea, d'abord pour l'Italie.
    Chose agréable à l'Espagne, qui pourrait en tirer des forces pour agir sur le Rhin contre les Suédois. Agréable, honorable au pape, qui, depuis quatre ans, s'entremettait fort pour la paix, faisait trotter son Mazarin et jouait son petit rôlet. Enfin chose agréable à notre jeune reine espagnole, à sa cour, qui, par mademoiselle de Hautefort, n'était pas sans influence surle roi. La bonne entente avec Rome et l'Espagne allait peut-être atténuer l'effet du sang versé, adoucir quelque peu les haines, faire rentrer le cardinal dans le concert des honnêtes gens.
    Il semblera bien étonnant, bizarre, absurde, que justement alors Richelieu, couvert d'un tel sang, voulût plaire à la reine! On ne peut pourtant en douter. Ce qu'on a dit du goût qu'il avait pour Anne d'Autriche et de ses tentatives près d'elle est incertain pour le temps qui précède et démenti pour le temps qui va suivre. Mais, pour ce moment où nous sommes, la chose est sûre et constatée.
    On l'a vu en avril 1631 l'espionner, la désespérer, en surveillant sa grossesse. On le verra en 1635 demander son divorce à Rome et vouloir la chasser. Mais aujourd'hui (novembre 1632) il est galant près d'elle, lui fait sa cour, semble en être amoureux.
    Tyrannique esprit de cet homme, de précipitation sauvage et sans respect du temps. La tête de Montmorency vient de tomber le 30 octobre, presque sous les yeux de la reine. Et il lui faut sourire et accepter des fêtes, descendre avec lui la Garonne, se laisser promener en France, et loger et coucher chez lui!
    Il semblait espérer justement dans le deuil de la reine, dans sa terreur et son abaissement. Depuis l'avortement d'avril 1631, sa situation était fort humble. Le roi n'en tenait pas le moindre compte, et venait tous les soirs chez elle pour mademoiselle de Hautefort sans lui dire un seul mot. On l'avait amenée au voyage du Midi, moins comme reine que comme otage, comme une prisonnière suspectée qu'on ne pouvait laisser àParis. Elle semblait n'être venue que pour aller d'exécution en exécution, sur le Rhône d'abord, puis en Languedoc. L'étrange demande de Gaston de rendre la Fargis à la reine disait assez qu'il restait encore quelque lien entre la reine et son beau-frère. L'indifférence haineuse du roi dut s'en accroître. Il la laissa aux mains de Richelieu, et s'en alla droit à Paris.
    À celui-ci d'en faire ce qu'il voudrait, de la régaler et fêter dans l'intérêt du traité espagnol. C'est le prétexte qui couvrit son changement à l'égard de la reine. Changement inespéré, douce surprise pour elle, rassurée tout à coup. Surprise forte pour un cœur de femme. Elle pouvait défaillir et mollir, laisser prendre de grands avantages à l'audace d'un homme tout-puissant, d'un vainqueur, disons d'un maître, et qui voulait ce qu'il voulait.
    Richelieu n'était beau ni jeune, et ne ressemblait pas à Buckingham. En revanche, il l'avait battu; le brillant fanfaron était mort ridicule. Richelieu, au contraire, nécessaire aux Suédois, et désiré des Espagnols, semblait l'arbitre de l'Europe, grandi des victoires de Gustave, des succès de Lorraine, de la défaite de Monsieur. Même la tragédie de Toulouse, pour laquelle on avait pleuré, elle le servait peut-être au fond. Les femmes aiment qui frappe fort, et parfois ceux qui leur font peur.
    Donc ce

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