Histoire De France 1618-1661 Volume 14
et encore faire seulement leurs quarante jours, le petit service de l' ost , d'après les us de saint Louis. Ni guet, ni garde; tout cela est au-dessous de la noble gendarmerie. Charger, à labonne heure; une bataille, et aujourd'hui, sinon ils retournent chez eux.
Tout manqua de tous les côtés. La grande invasion des Pays-Bas n'eut d'autre effet que la ruine d'une ville, l'horrible saccagement de Tirlemont. En Italie, quoiqu'on eût pour soi le Savoyard, on resta, on échoua devant une bicoque.
Bref, la première campagne resta de tout point ridicule. Madrid dut être satisfaite. Mais le Louvre l'était bien plus, et la cour nageait dans la joie.
Richelieu réussirait-il mieux en 1636? Il n'y avait pas d'apparence. L'argent manquait. Il avait entrepris, en commençant la guerre, une chose hardie, et révolutionnaire alors, d'alléger quelque peu la taille du peuple en faisant payer quelques exemptés, les gros bourgeois pour une partie de leurs fiefs, les ecclésiastiques propriétaires pour ce qu'ils possédaient d'étranger à l'Église. Très-vive irritation. Elle ne fut pas moindre dans les gens d'épée quand, pour punir l'armée du Rhin, il déclara dégradés de noblesse ceux qui quittaient l'armée; les officiers non nobles envoyés aux galères, et les soldats punis de mort.
Il lui avait fallu licencier cette armée. Et, d'autre part, celle du Nord était retenue en Hollande au service des Hollandais, qui ne la renvoyèrent qu'en plein été. Donc, la France était découverte. Une invasion n'était pas improbable. Le divorce demandé à Rome, le plan pour partager les Pays-Bas, c'étaient deux crimes, deux injures personnelles que la maison d'Autriche brûlait certainement de venger.
Richelieu fit visiter nos places du Nord par unhomme qu'il croyait très-sûr, par Sublet Du Noyer [10] . C'était un petit homme, de méchante mine cagote et d'âme pire, mais un bœuf de labour qui, ni jour ni nuit n'arrêtait, qui satisfaisait le maître de quelquecharge dont on chargeât son dos. Il faisait toujours plus, il faisait toujours trop. Un ministre homme d'esprit, à qui les affaires n'ôtaient nullement l'ambition littéraire, trouvait bien doux de trouver là toujours les grosses épaules voûtées de ce Sublet pour y mettre tout ce qu'il voulait. La facilité plate d'expédier passablement une foule de matières qu'il ne connaissait point rendait ce terrible commis en état de suffire à tout. On lui mit dessus la marine où il ne savait rien, et il s'en tira assez bien. On ajouta la guerre, et tout alla très-mal; mais était-ce sa faute?
Par l'entraînement des affaires, peu à peu, tout alla à lui. Il avait deux choses pour lui: son énorme travail, qui semblait consciencieux, et sa bassesse de nature, peinte en sa face de hibou, qui empêchait de croire qu'il pût avoir aucune prétention élevée. Au total, un homme ténébreux, haineux et dangereux, qui ruinait sourdement ses concurrents, et qui, à la longue, eût bien pu oser miner Richelieu même, car il plaisait au roi par sa dévotion, et secrètement il était aux Jésuites.
Ce commis ne connaissait rien aux places de guerre. Il rapporta à Richelieu ce que désirait le ministre, que tout était en bon état. Et celui-ci, tranquille sur le Nord, regarda au sud-est, où le prince de Condé, gouverneur de Bourgogne, lui proposait d'envahir la Franche-Comté. Le prince le flattait de l'espoir qu'en cette campagne, la Meilleraie, un bon soldat, parent du cardinal, éclaterait sous lui, justifierait la faveur singulière du ministre, qui venait d'obtenir du vieux Sully sa démission de grand-maître de l'artillerie pourdonner cette haute charge au brave et peu capable la Meilleraie.
Pour faire réussir celui-ci, on met dans cette armée deux officiers solides, très-fermes et très-forts sur leurs reins, déjà vieux dans la guerre de Trente ans, soldats du grand Gustave, que le roi venait d'acquérir. L'un, l'Allemand Rantzau; l'autre, le Béarnais Gassion. On croyait surprendre, emporter Dôle; elle prise, la province eût suivi; la Meilleraie revenait couvert de gloire, le premier général du siècle.
Pendant ce temps, une chose facile à prévoir est arrivée au nord. La France est envahie.
L'ambassadeur d'Espagne, en ce moment, gouvernait ceux qui gouvernaient Ferdinand II. Il obtint qu'à vingt mille fantassins espagnols qui iraient vers Liége (sous prétexte d'une révolte), l'Empereur joindrait quinze mille cavaliers sous
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