Histoire De France 1618-1661 Volume 14
qui, dit-on, veut faire tuer le cardinal.
Deuxièmement, il maintient le roi en défiance de l'unique personne qu'il aime, lui démontrant sans peine que la gracieuse Hautefort est au fond l'espion de la reine, et lui redit tout ce qu'il dit.
Au moins ce roi dévot s'épanchera-t-il au confessionnal? Point du tout. On lui prouve que le Jésuite Suffren appartient à sa mère, et tout à l'heure que Caussin, l'un de ceux qui succèdent, intrigue pour Anne d'Autriche.
Voilà un roi bien seul, bien ennuyé. De moins en moins, sa santé lui permet la chasse. Et Richelieu, de plus en plus, lui interdit d'aller à la guerre.
Par quoi donc le tient-il? Serait-ce par le douteux Joseph, si peu sûr en lui-même, par le ministère capucin?
La nécessité politique le pousse à chaque instant à des choses qui devraient être intolérables à la conscience du roi. En janvier 1633, pour l'affaire Montmorency, il lui faut proscrire cinq évêques. Il lui faudra bientôt agir contre le pape, qui approuve le mariage de Monsieur avec une Lorraine, qui accorde à l'Espagne les moyens de la guerre, l'argent de l'égliseespagnole, en refusant à Richelieu de faire payer le clergé français.
Richelieu ménagea au roi l'amusement d'achever l'affaire de Lorraine en entrant lui-même à Nancy.
La conquête fut menée comme une saisie judiciaire; le prétexte en justice, passablement grotesque, fut le rapt commis sur Gaston, un homme de trente ans, par la jeune princesse de Lorraine, qui en avait dix-huit.
En réalité, le roi était mené par la force des choses à se saisir de la Lorraine, comme chemin de l'Allemagne, où il devenait le chef réel du parti protestant.
Il avait travaillé l'hiver à refaire l'unité discordante de ce pauvre parti, qui paraissait s'abandonner lui-même. En avril 1633, il signa une ligue avec quatre cercles d'Allemagne, et avec les Suédois, à qui il promettait un million par année. Secours insuffisant. On le lui dit. Et il y parut bientôt à Nordlingen, où Bernard de Weimar, général allemand des Suédois, fut battu par les Impériaux (août 1634). L'Allemagne, à la discrétion de l'empereur, priait Richelieu de prendre Brisach, Philipsbourg, le haut Rhin, mais d'armer et d'intervenir, de descendre en champ clos, de remplacer Gustave.
Ainsi l'attraction fatale de cette guerre terrible, affamée d'hommes, entraînait la France. Et personnellement Richelieu, par son intérêt de ministre et ses passions d'homme, n'y était pas moins attiré. L'Espagne le minait au Louvre. Serait-ce toujours impunément que le roi irait chaque soir chez la reine écouter cette fille dévote, dangereuse et charmante, qui lui parlait pour sa maîtresse? Le plus fort levier de l'Espagneétait à Paris même. Richelieu lui avait déjà ôté la prise de la reine mère. Il devait lui ôter encore celle que lui donnait la petite cour de la reine Anne. Cette cour, qu'on voudrait croire délicate, élégante, n'en était pas moins la fabrique des plaisanteries fort sales et fort grossières qui couraient sur le ministre, sur sa vessie, ses urines, sur un ulcère caché qu'aurait eu, disait-on, sa nièce. On n'y épargnait rien pour faire arriver au roi cent contes ridicules sur ses mauvaises mœurs, ses déclarations à la reine, ses visites à Marion Delorme, les escapades invraisemblables d'un malade de cinquante ans, et si souvent au lit. Ces sottises, lors même qu'on les prouve fausses et controuvées, diminuent un homme à la longue, l'avilissent, fatiguent ceux qui le défendent; ils finissent par croire que, dans tant de choses fausses, il y a un peu de vérité.
En 1634, Richelieu avait pris enfin deux grandes décisions: rupture ouverte avec l'Espagne, renvoi de la reine espagnole.
Cette dernière mesure eût été un grand coup en Europe. Elle eût indiqué qu'on faisait peu de cas des forces de l'Espagne, puisqu'on ne craignait pas de rompre sans retour avec elle, par un outrage personnel, d'homme à homme et de roi à roi.
Une dépêche de Philippe IV (arch. Simancas, ap. Capefigue) montre qu'il fut extrêmement effrayé. Elle nous apprend que Louis XIII était tout décidé, qu'il voulait faire entendre raison à la reine par l'ambassade même d'Espagne, en lui faisant craindre un procès scandaleux qui l'eût couverte de honte, et qui l'eûtperdue en Espagne même, dans sa famille humiliée. Cette terreur agit si bien sur Philippe IV, qu'il charge son ambassadeur d'une démarche assez basse près de
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