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Histoire De France 1618-1661 Volume 14

Histoire De France 1618-1661 Volume 14

Titel: Histoire De France 1618-1661 Volume 14 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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n'assombrît fort le roi et n'éclairât les souvenirs confus qui lui restaient de cette nuit. La fille de Gaston, alors enfant, nous apprend que la reine la faisait venir, nese lassait pas de la caresser, lui disant et lui répétant: «Tu seras reine, tu seras ma belle-fille.» Ou bien: «C'est ton petit mari.»
    Cela calma Gaston, lui fit avaler l'amère pilule. Il avait fait une protestation secrète contre la légitimité de l'enfant. Mais il n'éclata pas, ne troubla pas le doux concert des félicitations dont on flattait l'amour-propre du roi. Lafayette soutenait sa foi, et, d'une bouche pure et non menteuse, affirmait, célébrait le miracle de la Vierge. Mais, plus directement encore, mademoiselle de Hautefort reprit et empauma le roi. Audacieuse de son dévouement, sûre d'ailleurs de ne risquer guère, la vive Périgourdine lui fit des avances innocentes. Elle le refit son chevalier. Il se remit à faire pour elle des vers, de la musique. Il aimait à la voir manger avec les autres demoiselles; il les servait à table; il parlait mal du cardinal. Bref, il n'oubliait rien pour plaire.
    De temps à autre, pour l'éveiller un peu, elle le piquait, le querellait; il passait tout le temps à écrire ces petites disputes, les dits et les répliques.
    On gagna ainsi les neuf mois. Enfin, le jour venu (5 septembre 1638), on aurait voulu que le roi fût ému, qu'il montrât des entrailles de père. La Hautefort ne s'épargna de l'ébranler, le mettre en mouvement. Elle y perdit son temps. La reine eut beau crier. On eut beau même dire, à tort ou à raison, qu'elle était en danger. Le roi resta calme et paisible.
    Il ne fut pas pourtant inhumain pour l'enfant. La Hautefort, pleurant et lui reprochant sa froideur:«Qu'on sauve le petit, lui dit-il. Vous aurez lieu de vous consoler de la mère.»
    Si je ne craignais de faire tort à ce pauvre roi, je dirais que, malgré ses sentiments chrétiens, il se fût consolé sans peine de voir crever son Espagnole. La Française était là (non plus Lafayette impossible), mais cette vive Gasconne, qui le tenait alors. La dame qui écrit son histoire assure que toute la nuit, pendant que la reine criait, il se faisait lire l'histoire des rois veufs, qui, comme Assuérus, épousèrent leurs sujettes. [Retour à la Table des Matières]
CHAPITRE XIII
MISÈRE—RÉVOLTES—LA QUESTION DES BIENS DU CLERGÉ [13]
1638-1640
    L'enfant fut un garçon, donc un roi. Gaston perdit le trône. La France en fut folle de joie. Heureuse d'échapper à un autre Henri III, elle acceptait aveuglément les chances d'une royauté de femme, la sinistreloterie d'une régence étrangère où elle avait déjà gagné deux Médicis.
    Richelieu demeura sans voix. Sa fatalité était désormais d'avoir pour maîtres l'infant de la maison d'Autriche, la régente espagnole. Dans le compliment sec, en deux lignes, qu'il fait à la reine, les paroles lui restent à la gorge: «Madame, les grandes joies ne parlent pas...»
    L'avenir était très-obscur. Richelieu, il est vrai, n'avait plus à craindre Gaston. Mais quels seraient les amants de la reine? C'était la question. Haï d'elle à ce point, pourrait-il lui faire accepter un homme à lui? Un homme sans famille et sans racine aucune, un étranger, un prêtre, un aventurier sans naissance, lui valait mieux qu'un autre. C'est, si je ne me trompe, la raison principale qui lui fit adopter bientôt un Italien que lui-même lui présenta comme ressemblant à Buckingham, le fin, le délié, le beau Mazarini.
    Il avait apparu en 1630, comme on a vu, pour sauver l'armée espagnole. Cependant le père Joseph l'avait fait accepter de Richelieu comme pouvant être utile à Rome, Mazarin étant domestique de celui des neveux du pape qui tenait le parti français. La mort du père Joseph, en décembre 1638, rendit sa place vide; bientôt Mazarin succéda.
    Joseph, cette année même, appuyé par sa jeune parente Lafayette, avait hardiment travaillé contre Richelieu. Il avait tiré du roi promesse de rappeler sa mère, et la demande au pape de le faire cardinal. Le pape n'osait. Il savait que Richelieu, sous main, contre Joseph, poussait le client de Joseph, ce Mazarin, qu'il croyait à lui maintenant, et qu'il voulait faire cardinal. Joseph vit bien qu'on l'amusait. Le désespéré Capucin sentit que le chapeau, l'ambition de toute sa vie, ne lui viendrait jamais, et comprit que son Mazarin le lui soufflait.
    Il étouffa, il étrangla; une attaque d'apoplexie le

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