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Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Titel: Histoire De France 1715-1723 Volume 17 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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calmes régions de la haute critique historique. ( Grandeur et décadence des Romains. )
    Le génie girondin, celui de Fénelon, Montaigne, Montesquieu, celui du grand parti qui, en 93, périt pour ne pas tuer, est vif, mais modéré, équilibré, ce semble. Il faut une pression pour en tirer le jet de feu qui brûle. Il faut cette chose rare qui quelquefois saisit un jeune cœur, ce que j'appellerais: la fièvre de justice. La Boétie n'avait que vingt-six ans, lorsque de Bordeaux il lança sa brochure du Contr'un , l'évangile de la République; et Montesquieu guère plus de trente, quand son petit roman esquissa, déjà formula le Credo de 89.
    Leur vraie vie intérieure est absolument inconnue. La Boétie meurt jeune, et ne dit rien. Montesquieu s'est gardé de nous rien révéler des secrètes révolutions de son esprit. Il est aisé de deviner pourtant.
    Tous deux étaient des juges, membres du Parlement. Tous deux, éclairés et humains, étaient associés à la justice routinière d'un grand corps immuable dans la barbarie du vieux droit. Les légistes royaux ayant, dans tant de choses, succédé aux pouvoirs judiciaires du clergé, résisté à l'Inquisition, se piquaient d'être aussi cruels. Ils se montraient prêtres autant que les prêtres dans les applications révoltantes du Droit canonique, maintenaient les supplices ecclésiastiques, le feu spécialement. Sans rien dire de Toulouse (le parlement le plus féroce), ceux de Bordeaux et de Rouen brûlent force sorciersdans le XVII e siècle. Paris brûle le pauvre messie Simon Morin dans l'année du Tartufe (1664). Il brûle deux libertins (1726). Djon, un curé quiétiste (1698).
    Ces choses étaient rares, dira-t-on. Ce qui ne l'était pas, ce qui était constant et prodigué, c'était la torture préalable. Elle était chère aux Parlements autant qu'aux cours d'Église. En 1780, sous Louis XVI, un parlementaire d'Aix en imprime l'apologie, dédiée au pape Pie VI, qui accepte la dédicace.
    Une autre torture, plus cruelle peut-être, c'est l'atrocité des prisons. Celles de Bordeaux étaient célèbres en Europe. Ses cachots du Château-Trompette, où l'on ne pouvait être debout, ni couché, ni assis, égalaient les plus effrayants in pace de l'Inquisition.
    Qu'on se figure ce génie doux, humain, associé à tout cela! Un Montesquieu, président d'un tel corps, forcé de suivre toutes ces vieilleries exécrables, obligé de signer une enquête par la torture, un jugement pour rouer, brûler! Quelque inerte qu'on soit dans une telle compagnie, on n'en endosse pas moins la solidarité terrible de ses actes. La consolation passagère d'adoucir parfois un arrêt peut-elle équivaloir à cette participation constante d'un droit affreux qui revient tous les jours? Montesquieu resta là de 1714 à 1726, cloué par la nécessité héréditaire, la volonté des siens, par la timidité, par la convenance. Il n'osait s'arracher de cette robe, sa fatalité de famille. Qui peut douter qu'il n'en ait souffert cruellement, souffert? de ce qu'il voyait, signait, faisait, souffert de son silence, et taciturnement amassé un merveilleuxfonds de haine pour ce passé atroce, ce droit maudit et son principe impie.
    Il faut être bien étourdi et bien léger soi-même pour trouver son livre léger. À chaque instant il est terrible. Les satires de Voltaire sont si débonnaires à côté! La différence est grande. Voltaire est libre par le monde. Montesquieu est un prisonnier.
    L'œuvre est moins merveilleuse encore que le secret, la patience qui la préparent, ce recueillement redoutable du solitaire en pleine foule. Grande leçon! Qu'ils apprennent de là, les prisonniers qui se croient impuissants, combien la prison sert, comme en prison le fer devient acier! Qu'ils apprennent, les hésitants, les maladroits, à affiler la lame. Jamais main plus légère. L'Orient lui apprit à jouer du damas. En badinant, il décapite un monde.
    Il est intéressant pour l'art de voir comment le tour est fait. N'oublions pas qu'il se faisait dans un moment singulier d'inattention où personne n'avait envie de regarder. Écrit au plus fort du Système, le livre est publié dans la débâcle, la terreur du Visa, quand chacun se croit ruiné. La difficulté était grande pour se faire écouter de gens préoccupés si fortement. Quel cadre assez piquant, quel style assez mordant pouvait s'emparer du public?
    Le petit roman fit cela. L'auteur prit une occasion. L'ambassadeur turc arrivait

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