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Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Titel: Histoire De France 1715-1723 Volume 17 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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appelés à cela. Boulainvilliers, le féodal, grand esprit en d'autres matières, avait, dans un très-beau pamphlet qui courait manuscrit, posé avec simplicité la loi de la religion, une en tant de cultes divers. Théorie haute et vraie, qui planait de trop haut.—L'abbé de Saint-Pierre, au contraire, eut mille idées pratiques. Telles de ses vues sociales, utiles et sérieuses, se sont réalisées. Mais, dans les choses religieuses, il est myope ou craint de voir. Il garde l'idée niaise d'être un philosophe chrétien . Les évêques firent chasser ce bonhomme de l'Académie. Les philosophes en rirent. Tout était ridicule en lui, et jusqu'à l'orthographe. C'était le roi des maladroits. Il changeait des misères, il réformait des riens, et conservait le pire; exemple, la moinaille, qu'il croit utiliser! On le renvoya en nourrice, avec cette pauvre âme que met Machiavel «dans les limbes des petits enfants.»
    Mais qui sera donc l' homme ? et dans quelle circonstance heureuse et singulière va-t-il donc naître et se former, le vigoureux génie qui, tranchant le passé au fil du glaive, dans cet éclair va faire voir l'avenir?... Gloire à la volonté! Il naît précisément, grandit, se fortifie, dans un milieu unique pour énerver, éteindre, admirable pour étouffer.
    Né en 1689, affublé à 25 ans d'une perruque de conseiller, il le fut à 27 d'un bonnet de président à mortier. Son esprit vaste, vif et doux, sous ce poids qui le contenait, n'en fut pas accablé, mais s'étendit en dessous de tous côtés. Un mariage fort calme, dont il lui survint trois enfants, semblait (dès 26 ans) le calfeutrer tout à fait au foyer. De son hôtel au Parlement, du Parlement à son hôtel, sa vie était tracée. Cette quasi-captivité qui aurait amorti tout autre eut l'admirable effet de le vivifier. Il s'enquit de deux infinis, celui des sciences physiques, celui des mœurs, des lois, des transformations variées de l'âme humaine.
    L'Académie de Bordeaux, qui jusqu'à lui perdait son temps aux amusements littéraires, aux petits vers, devint une académie des sciences. Il y lut des mémoires sur ses études d'anatomie et autres. En 1719, d'un élan juvénile (on commence toujours par l'immense et par l'impossible), il avait fait le plan d'une Histoire de la Terre .
    Temps curieux de gigantesque effort. Marsigli donne son Histoire de la Mer . Vico prépare et bientôt donne son esquisse sublime et féconde: Science nouvelle de l'Humanité.
    Montesquieu, sans nul doute moins inventeur, fit davantage.
    Il vit et pénétra, il jeta un ferme regard sur trois masses qui composaient alors l'indigeste richesse de la raison humaine.
    1 o L'édifice des sciences mathématiques et naturelles, si compliquées de phénomènes, et si simples delois. Les écrits de Fontenelle y intéressaient vivement.
    2 o La série des voyageurs, spécialement de l'Orient, de la Perse et de l'Inde, depuis les charmants récits de Pietro della Valle, jusqu'aux Bernier, aux Thévenot, aux Tavernier, jusqu'au judicieux Chardin. Ici de même nul éblouissement. L'amusante diversité aboutit à des lois très-simples.
    3 o Le droit, pour ses prédécesseurs, était un monde à part qu'on tâchait d'enfermer dans le cercle du christianisme. Le premier, il le vit dans la variété immense des législations comparées, réductible pourtant à la haute unité du Juste. Planant sur la nature, les mœurs et les institutions, son grand esprit cherchait l'âme commune, la loi de la loi .
    Cette hauteur est telle que, non-seulement les lois civiles et politiques, mais aussi les lois religieuses, en sont justiciables. La Justice est tellement la reine des mortels et des immortels, que les dieux mêmes répondent devant elle. Les religions lui font la révérence et en attendent leur arrêt, car celle qui prétendrait être sainte pour se dispenser d'être juste, serait impie, loin d'être sainte, ne serait plus religion.
    Idée directement contraire à celle des légistes du siècle de Louis XIV. Domat exige que la justice soit chrétienne et la plie au Christianisme. Le XVIII e siècle demande si le Christianisme est juste.
    Le singulier, c'est que l'élan de la révolution soit parti justement d'un esprit pacifique, plus lumineux qu'ardent, et surtout conciliateur. Tel semblait Montesquieu avant 1721, quand il faisait ses paisibles lecturesà son Académie. Et tel il redevint après son grand livre révolutionnaire. Il se tourna bientôt vers les

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