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Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Titel: Histoire De France 1715-1723 Volume 17 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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à la Table des Matières]
CHAPITRE XXV
MONTESQUIEU. LETTRES PERSANES [10] —VOLTAIRE, HENRIADE
1721-1723
    L'avortement de la Régence, le chaos qui suit le Système, les exploits de Cartouche, le dur gouvernement qui vient, ne doivent pas nous faire perdre de vue les résultats immenses qui restent de ces neuf années.
    La langueur aride, impuissante et si près de la mort, qui marque la fin de Louis XIV, a fait place aux élans d'une vie qui, malgré les rechutes, ne peut plus s'arrêter. On est sorti de la paralysie. Une circulation active s'est établie. Des arts nouveaux, charmants, sont la révélation extérieure et légère d'un autre esprit, d'un changement profond dans les mœurs et les habitudes.
    Mais la belle, très-belle révolution qu'il faut noter,c'est l' humanisation , l'adoucissement singulier des opinions, le progrès de la tolérance. Naguère encore, Bossuet et Fénelon, madame de Sévigné, admiraient la proscription des protestants. Le meilleur prince du temps, un saint, le duc de Bourgogne, excusait la Saint-Barthélemy. Douze ans après, elle fait horreur à tout le monde. La Henriade , un poème peu poétique, n'en réussit pas moins, parce qu'elle la flétrit, la maudit.
    Chose propre à la France, à laquelle l'Angleterre, l'Allemagne restent indifférentes, et les autres peuples contraires. La barbarie religieuse continue dans toute l'Europe.
    L'Espagne suivait, bride abattue, la carrière des auto-da-fé. En 1721, la seule ville de Grenade, sur l'échafaud de plâtre où quatre fours en feu (figurant les prophètes) mangeaient la chair hurlante, Grenade mit en cendres neuf hommes, onze femmes. C'est l'année des Lettres persanes .
    Dans l'année de la Henriade , Philippe V et sa reine, à Madrid, infligent à la petite Française qui arrive la fête épouvantable d'une grillade de neuf corps vivants, l'horreur des cris, l'odeur des graisses, des fritures de la chair humaine.
    L'autre année (1724), la vaste exécution des protestants de Thorn; plusieurs décapités et plusieurs torturés dans des supplices exquis. Les Jésuites vainqueurs en firent une exécrable comédie de collège ( la Fille de Jephté ), où l'effigie des morts grimaçait sur l'autel, par un second supplice de haine et de risée.
    Voilà l'Europe à cette époque brillante et encore si barbare, où Montesquieu, Voltaire, ont élevé la voix. Que disaient-ils?
    «Grâce pour l'homme!... Respect au sang humain!» C'est le sens de leurs livres immortels et bénis, livres de bonté, de douceur, d'humanité, de pitié; donc de vraie religion. Si Dieu avait parlé, qu'aurait-il dit: «Grâce pour l'homme!»
    Mais comment arriver à ce grand but d'humanité? Par nul autre moyen qu'en brisant la fascination des dangereux symboles, l'atroce poésie du Moyen âge, à qui on immolait tant de réalités vivantes. Il fallait bien la détrôner cette poésie imaginative, pour faire régner à sa place celle du cœur et de la nature. La satire, la critique, dans ce sens, étaient œuvre sainte, puisqu'elles éteignaient les bûchers.
    La difficulté très-bizarre, c'est que les âmes les plus tendres étaient les plus furieuses. La pitié, la tendresse n'ont jamais manqué en ce monde. Des Albigeois aux Dragonnades, à travers quatre cents, cinq cents ans de massacres, ces sentiments ont abondé; mais seulement, sans rapport à la pauvre vie humaine. La pitié était pour l'hostie. C'est l'hostie outragée, le petit Jésus maltraité, qui fait pleurer à chaudes larmes la douce femme aux auto-da-fé. Si l'on brûle à Wurzbourg un sorcier de neuf ans, c'est attendrissement pour l'idéal enfant qu'on dit immolé au sabbat.
    Louis XIV n'était pas insensible, et son cœur fut ému après les Dragonnades. Comme tous les meilleurs catholiques, il eut scrupule, il eut pitié. Non des protestantscertes. Mais il trouvait cruel de faire à des damnés litière et pâture de l'hostie, de mettre Dieu dans ces bouches grinçantes.
    Maintenant voici une chose inouïe, un scandale. La thèse est retournée. Dans le poème de la Ligue, le poème de la Saint-Barthélemy, le croirait-on? la pitié est pour l'homme, pour la réalité saignante. Ces rouges torrents lui font horreur, et il avance un paradoxe audacieux; il soutient, cet impie, qu'en l'homme aussi Dieu avait son hostie et que, s'il est au pain, il était dans le sang encore.
    Pauvre poème, mais grande action, plus hardie qu'on ne croit. L'auteur sortait de la Bastille. Le Régent

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