Histoire De France 1715-1723 Volume 17
d'Angleterre. George exécrait son fils qu'il ne croyait pas sien. Il tenait sa femme enfermée, tandis que lui-même traînait partoutdeux grosses maîtresses allemandes. Sa haine pour son fils éclatait sans mesure. Une fois, à grand bruit, il le chassa avec sa jeune épouse. Les amis du fils, Argyle et Stanhope, n'étaient pas sans crainte. Le Régent leur offrit ses bons offices, son appui, de l'argent.
George était fort peu populaire. L'Autriche avait exigé de lui un traité qui révélait son honteux vasselage (mai 1716). George et l'Empereur «s'y garantissaient leurs futures acquisitions .» Autrement dit, l'argent anglais et les flottes anglaises allaient être employés à aider l'Autriche en Italie. Cette Autriche qui déjà avait tant sucé l'Angleterre, qui avait si mal fait la guerre, si mal soutenu Eugène, elle voulait une guerre éternelle, déclarait que la paix d'Utrecht n'était qu'une trêve. Et George l'encourageait, lui répondait de l'Angleterre. Vrai crime contre la paix du monde.
Les Anglais commençaient à voir ce qu'ils avaient fait en donnant une telle couronne à un domestique de l'Empereur, qui ne suivait que sa bassesse, ses petits intérêts de principicule allemand, au risque de bouleverser le monde.
Eugène, à ce moment, battait les Turcs, et l'Autriche allait s'étendre de ce côté. Que voulait-elle donc? Conquérir partout à la fois? Si grande et si heureuse, elle trouvait en George un compère qui ne la trouvait pas assez grande à son gré, et voulait la grandir, contre les intérêts anglais.
Cela dégrisa les Anglais de leurs colères aveugles contre nous, nous ramena beaucoup d'esprits. George dut faire attention. Une convention préalable fut signéeen octobre sur la vraie base anglaise (Mardick comblé, et le Prétendant éloigné au delà des Alpes). George ne peut se refuser à envoyer des ambassadeurs à La Haye, mais il les envoie sans pouvoirs. Enfin les pouvoirs viennent, mais incomplets, insuffisants. L'Autriche empêchait tout. Il est probable (et, selon moi, certain) qu'elle ne laissa traiter George et la Hollande qu'en arrachant du Régent une promesse qu'on lui sacrifierait les intérêts de la Savoie et de l'Espagne, et qu'au lieu de la Sardaigne, elle aurait la Sicile.
Le 28 novembre, la France et l'Angleterre, la Hollande, le 31 décembre, signèrent la Triple-Alliance .
Dubois écrivait au Régent: «J'ai signé à minuit. Me voici enfin hors de peur;—et vous hors de pages.»
Hors de peur. En effet, la France n'était plus isolée, n'avait plus à craindre l'intrusion du roi d'Espagne, qui eût été le retour de toutes les vieilles sottises.
Hors de pages , c'est-à-dire indépendant, pouvant faire la loi aux partis, déconcerter l'intrigue du duc du Maine.
Ce parti du duc du Maine, c'était celui du Prétendant, des fous, des aveugles étourdis qui nous relançaient dans la guerre. Orléans, c'était la paix même, c'était l'esprit moderne, humanité, liberté et lumière.
Stairs, l'envoyé anglais, avait dit, et Dubois redit «que l' usurpateur George avait pour ami naturel l' usurpateur de la Régence.» Forme paradoxale, effrontée et choquante, d'une chose en réalité juste. Les mannequinsdu vieux passé gothique, le Stuart, l'Espagnol, étaient-ils les vrais rois des deux grandes nations les plus civilisées du monde? Que leur rapportaient-ils? sinon honte et sottise. Contre ce faux droit de famille, George le protestant, Orléans le libre penseur (tels quels et quoi qu'on pût en dire) représentaient pourtant le vrai droit et l'unique, celui des nations et celui du progrès.
Ce traité, ce contrat d'assurance mutuelle qui les affermissait tous deux, fut aussi un bienfait pour les deux peuples et pour l'Europe. Il menait à la paix réelle, solide et sérieuse, pour laquelle le monde haletait depuis la fausse paix d'Utrecht qui n'avait rien fini. Les trois peuples civilisés, désormais réunis étaient en mesure d'imposer aux barbares, aux aventuriers, aux ambitieux qui continuaient la guerre au Nord et la réveillaient au Midi. [Retour à la Table des Matières]
CHAPITRE III
DUBOIS—LA TENCIN. MADEMOISELLE AISSÉ
1717
Madame, au premier jour que son fils fut Régent, lui avait demandé pour grâce «de n'employer jamais ce coquin de Dubois.» Et en effet, il n'eut nul emploi, aucun titre. À soixante ans, il n'était encore rien. Et cet homme de rien, ce néant, avait eu la chance de faire la paix du monde, de donner à la
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