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Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Titel: Histoire De France 1715-1723 Volume 17 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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était exterminée? Pour longtemps, on ne pouvait rien. Brest et Toulon chômaient, devenaient des déserts. Nos vaisseaux y pourrissaient; on n'en refaisait plus. Le roi même, se faisant un système de sa défaite, mettait les fonds de la marine aux embellissements de Marly. Pontchartrain, le ministre, fut terrible à nos amiraux plus que les Blake et les Ruyter. Il donnait deux mots d'ordre: 1 o point de bataille; 2 o reculer.
    Autre maladie de la France. Elle gardait un coin du cœur pour le petit Joas , je veux dire le Prétendant. Ce Joas, devenu un triste capucin, restait pour bien des âmes tendres l'intéressant enfant qui fit pleurer dans Athalie . Les belles Anglaises, qui vivaient à Paris de jeu et d'autre chose, les bonnes Carmélites de Chaillot, de la rue Saint-Jacques, les Jésuites, priaient pour lui. L'improbable, l'absurde, a ses attraits. Témoin les romans jacobites que l'abbé Prévôt a parés de son entraînant bavardage, ces Cléveland, ces Doyen de Killerine (je ne veux pas parler du chef-d'œuvre, Manon Lescaut ).
    Fausse et malsaine poésie, sous laquelle ces bourreaux Jésuites, persécuteurs, brûleurs en Espagne, en Autriche, et si cruels en France, invoquaient la pitié, pleuraient, attendrissaient. Qu'était en soi le Prétendant? le dangereux revenant du vieux monde, l'êtrefatal en qui les éléments de la grande guerre pouvaient se réunir, se rallumer, embraser tout?
    Et avec quoi l'Europe l'eût-elle recommencée, cette guerre? avec des ruines, des peuples épuisés et sanglants, plusieurs agonisants, finis.
    Ou bien, on eût recommencé (chose terrible!) avec des monstres. On va voir tout à l'heure comment le monstre russe, exterminateur, dépopulateur, le vampire espagnol galvanisé de son tombeau, la Suède, un spectre fou, s'entendirent pour le Prétendant contre la civilisation, l'Angleterre et la France. Ce jour-là, le Stuart de Rome parut ce qu'il était, l'ennemi du genre humain.
    Il faut laisser les romans de côté et voir la vérité en face. La France gagnait autant, et plus que l'Angleterre, à éloigner le Prétendant, à le tenir bien clos dans son tombeau de Rome, à mettre ensemble les deux morts. Non-seulement il exposait la France, la tenait contre sa voisine dans un état irritant, provoquant, pire que la guerre, mais il était une épine intérieure pour la France même; il était l'opposé de la pensée moderne, dont elle est l'interprète. Rien n'était énervant contre la jeune sève du libre esprit, autant que l'esprit jacobite, cette mauvaise petite fièvre de l'intrigue galante et dévote.
    Tout cela n'était encore ni vu ni entrevu. Ici même, en pleine ruine, ayant tant besoin de la paix, on ne la voulait pas. Le Conseil de Régence, en grande majorité, continuait Louis XIV. Par une folle générosité, le Régent y avait mis ses ennemis le duc du Maine, l'inepte Villeroi, trois ministres du dernier règne. Lerapporteur était le maréchal d'Uxelles, tête creuse, qui se croyait profonde. Auprès du Régent même, la vieille tradition avait pour avocat ce petit furieux Saint-Simon, terrible contre l'Angleterre. Le Régent se défendait mal. Noailles et Canillac, Nocé, quelques roués seuls, appuyaient Dubois. L'ambassadeur anglais, Stairs, de son chef, sans l'aveu de George, conseillait l'alliance; mais ses emportements, ses aigreurs insolentes, la rendaient odieuse. Villeroi fit chasser un des Anglais de Stairs, que l'on disait (sans preuves) avoir voulu assassiner le Prétendant.
    Dubois, en mars 1716, alla incognito à la Haye voir lord Stanhope à son passage, le tâta, fit des offres. Mais, même en offrant tout, en cédant sur Mardick et sur le Prétendant, on pouvait croire que George serait sourd. Il était Allemand et point du tout Anglais, fort médiocrement touché de l'intérêt de l'Angleterre. Il ne pensait qu'à l'Allemagne, aux provinces surtout qu'il avait prises à la Suède. Pour les garder, il lui fallait l'appui de son maître l'Empereur, auquel il appartenait jusqu'à lui livrer l'Italie contre la politique anglaise, qui venait au contraire de jeter en Piémont la première pierre de la future royauté italienne.
    Ce valet de l'Autriche, notre ennemie, ne nous répondit rien pendant trois mois, et il n'eût peut-être jamais répondu, si Dubois n'eût su l'inquiéter. Il se fit écrire par le Régent un mot qu'il montra à Stanhope. On y voyait que le Régent était fort au courant des discordes intérieures de la cour

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