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Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Titel: Histoire De France 1715-1723 Volume 17 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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Fériol, qui l'avait élevée, la tenait dépendante, à sa disposition.
    Il paraît que ces dames firent entendre à la Parabère (qui n'était rien qu'une bonne fille et craignait fort Dubois), qu'ayant alors si peu de prise, elle devait laisser faire, que, si dans cet amour endormi et fini, on introduisait un caprice, un aiguillon nouveau, elle-même n'y perdrait pas, qu'elle aurait des retours, comme elle en avait eu déjà. Ce fut chez elle qu'on amena mademoiselle Aïssé, chez elle que l'on crut brusquer lestement l'aventure.
    Mais j'oubliais de dire ce qu'était la victime. Chose bizarre, une esclave dans Paris. Notre ambassadeur à la Porte, M. de Fériol, qui avait fait les guerres des Turcs et vivait à la turque, achetait souvent de belles esclaves, des enfants mêmes. En 1698, après un pillagede Circassie, on lui vendit une petite, de quatre ans, et il y mit la forte somme de quinze cents livres d'abord. Elle était fort gentille, et comme la Perdita de Shakspeare, on la disait fille de roi. Il l'envoya chez lui, à Paris, à sa belle-sœur, femme du président Fériol, fort complaisante pour l'ambassadeur, qui était garçon et dont sa famille héritait. Elle ne se fit nul scrupule de ce rôle de garder cette mignonne pour les voluptés du beau-frère. On la fit élever avec soin aux Nouvelles catholiques . Elle grandit, fleurit, jolie, spirituelle, aimée de tout le monde, et comme sœur aînée des fils de la maison (l'un était d'Argental, le célèbre ami de Voltaire).
    L'ambassadeur ne revenait pas, mais s'informait fort d'Aïssé, et, sur ce qu'on lui dit qu'à dix ans elle aimait un petit garçon de son âge, il en fut horriblement jaloux et gronda sa belle-sœur. Ce Fériol était un homme rude, étonnamment hautain, fort courageux, mais violent, colère jusqu'à devenir fou. On le remplaça en 1711, et il revint pour le malheur d'Aïssé. C'était alors une grande demoiselle, une Française de dix-sept ans, d'esprit très-cultivé, précoce et déjà admirée dans le monde comme une jeune dame. Quel coup ce fut pour elle quand cet homme âgé, sombre, dur, arriva et se dit son maître . Elle ne le connaissait point du tout, ne l'ayant vu qu'à quatre ans. Elle fut pénétrée de terreur et sans doute essaya de se défendre et s'appuyer par celle qui l'avait élevée, madame de Fériol. Mais, celle-ci, avare, qui attendait beaucoup de son beau-frère, et qui eût été désolée si, malgré l'âge, il eût pris femme, fut ravie, au contraire,de le voir réclamer sa petite maîtresse. Nous avons la lettre terrible où le barbare lui dénonce son sort: «Quand je vous achetai, je comptais profiter du destin et faire de vous ma fille ou ma maîtresse. Le même destin veut que vous soyez l'une et l'autre,» etc. Elle plia sous la fatalité.
    Situation honteuse! qu'il y eut esclave et sérail dans la maison du président, d'un magistrat français! Les deux frères logeaient ensemble dans un hôtel de la rue Neuve-Saint-Augustin. Aïssé, très-captive de ce vieillard jaloux, vivait comme une religieuse, victime immolée, innocente, fort pure moralement, ne connaissant même son cœur. Telle la vit madame de Tencin chez sa sœur en 1717 (voyez les notes). Elle comprit très-bien tout le parti qu'on en pouvait tirer.
    Aïssé avait vingt-quatre ans, et elle avait déjà assez souffert pour souffrir peu. Elle était résignée et douce, enjouée même. Elle avait l'air très-jeune, une figure ouverte, aimable, où l'esprit rayonnait. Ses beaux yeux d'Orient, avec sa grâce toute française, c'était un contraste piquant, une chose singulière, unique, dont beaucoup étaient fous. Et, avec tout cela, on eût pu entrevoir combien la pauvre créature était brisée. Elle avait des bras maigres et pauvres. Son sein (V. le portrait) semblait, malgré cet âge, celui d'une petite vierge de quinze ans. On la sentait très-neuve, presque enfant par certains côtés.
    Ce qui servait les dames, c'était sa grande déférence pour elles. À une haute liberté intérieure, elle était, dans sa vie, ses actes, toute dépendante de la famille de son maître, de cette étrange mère, madamede Fériol, que (telle quelle) elle ne voulut jamais quitter. On supposait que la jeune fille, depuis six ans soumise à tout caprice d'un homme désagréable et plus âgé que le Régent, ferait peu de façons. Cela n'arriva point. Il paraît que l'esclave parla en femme libre et se fit respecter. Le Régent n'était pas homme à

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