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Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Titel: Histoire De France 1715-1723 Volume 17 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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aidant, faire sauter l'Angleterre. Alberoni avait repris ce plan. On l'a dit romanesque, ridicule, impossible, parce qu'on suppose qu'il y fallait une grande flotte et une armée. Cela n'était pas nécessaire. Le nom seul du Suédois avait un prestige incroyable de terreur. Si, par un mauvais temps, un brouillard, il avait passé, avec sa bande personnelle, une poignée de ses soldats terribles, il aurait emporté l'Écosse comme une trombe, fondu vers Londres. Il eût été rejoint à coup sûr par un monde d'aventuriers, d'Irlande, de toute nation. De l'un à l'autre pôle, il était la légende de tout ce qui n'a de droit que la force.
    Dans l'état effroyable où était la Suède, dépeuplée, désolée, elle n'avait guère à craindre. Le czar lui-même traitait, ne sachant plus qu'y mordre, ne pouvant que s'user les dents sur ce dur bloc, tout fer, glace et granit. Charles XII, si bien ruiné, n'en était que plus libre. Il avait fini comme roi. Mais il lui restait un bien autre rôle où il entrait à peine. Sa renommée bizarre pouvait le faire un grand chef d'aventures, lui donner un vaste royaume, le royaume des désespérés.
    Pour comprendre ce temps, il faut mettre en lumière le point essentiel, la faim du Nord, sa terrible indigence. Pierre, mal nommé le grand, avait plus de besoins peut-être encore que le Suédois, par la disproportion énorme de son petit revenu et de cent choses nouvelles, coûteuses, qu'il essayait. Tous deux étaient des mendiants. Ils rôdaient autour de l'Europe, comme les ours blancs du Spitzberg viennent la nuit gratter à la cabane du pêcheur, grondant, montant dessus, pour entrer par le toit.
    En 1717, le czar était venu tâter la France, tendant la main pour recevoir ce qu'elle avait coutume de payer aux Suédois, promettant un meilleur service si on le préférait. Le Régent l'accueillit avec sa grâce accoutumée. Les Français admirèrent ce créateur d'un monde . Beau créateur qui, avec de la vie, savait faire de la mort, qui, de sang et de chair broyés, faisait une machine, un impossible monstre. Sa Russie ressemblait au char grotesque qu'il avait charpenté et où il voyageait, charrette informe et disloquée d'avance, qui allait branlant et grinçant, par cahots, chocs, secousses. Si de droite et de gauche, nombre d'hommes, qui se relayaient, ne l'avaient soutenu, le triste véhicule, à chaque pas disjoint, eût mis à terre son constructeur.
    Éconduit par la France, il était d'autant mieux disposé à écouter l'Espagne, à entrer dans le grand projet de bouleverser tout l'Occident. Pendant cette tempête, qui eût pétrifié l'Allemagne, il aurait fait ses affaires d'Orient, aurait rançonné la Pologne, où il eût mis un homme à lui, un tout petit roi tributaire.Il se fût arrondi et complété sur la Baltique, eût pris le Mecklembourg, fait établissement dans l'Empire en face de l'Empereur. Projets vagues, grossiers, incohérents. Tandis qu'il bouffonnait à Moscou la fête burlesque où l'on brûlait le pape, il entrait dans ce plan pour le faire triompher dans Londres!
    Le candidat de Rome et de Madrid, le Prétendant ne se fit pas scrupule de s'allier à ce barbare couvert de sang et qui alors justement fit mourir son fils. Il lui envoya le duc d'Ormond pour obtenir sa fille Anne Petrowna. Qu'eût-ce été pour l'Europe si ces accouplements monstrueux avaient réussi! si le bigotisme jésuite eût épousé l'Asie sauvage! si l'esprit de l'Inquisition eût fait pacte avec Attila!
    Deux fléaux menaçaient, d'une part, une répétition de l'invasion des barbares, la descente des masses faméliques du monde des neiges; de l'autre, le renouvellement de la guerre de Trente Ans, mais sans fin, recrutée par les soldats à vendre.
    Leur vrai roi, leur héros, leur Alexandre le Grand, était tout prêt dans Charles XII. Il mourut jeune, manqua sa destinée. Elle était d'être, en pleine Europe, un Pizarre, un Cortez, un grand pirate de terre. Nous avons de son étrange figure un bon portrait à Versailles. Avec ses gants de buffle, son habit grossier de drap bleu, ce grand corps sec, nerveux, semble d'abord un dur soldat. Puis on voit davantage: on retrouve, on comprend l'indestructible, qui prenait son plaisir à jeûner plusieurs jours, à dormir par terre sans abri dans les hivers de Suède. Il a tel trait plus que sauvage, le dirai-je? bestial, qui fait penser à unterrible orang-outang. Ses yeux, d'un azur cru, ne se retrouverait ni chez l'homme,

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