Histoire De France 1715-1723 Volume 17
revenu avait augmenté, parce qu'ayant supprimé les priviléges de l'Aragon et de la Catalogne, on faisait payer ces provinces. Qu'était-ce pour une grande guerre? Qu'étaient les petites réformes qu'avait pu faire Alberoni? Au fond, très-peu de chose. L'Espagne n'en était pas moins épuisée, stérile, un cadavre. L'ingénieux résurrectionniste la remettait debout, mais pour la faire choir sur le nez.
Ce qui trompait encore Madrid, c'étaient les romans insensés, les folles promesses qui venaient de la France par toutes sortes d'intrigants. Tout cela misérable. Reprenons d'un peu haut, mais en datant soigneusement.
À son avénement, le Régent avait promis aux princes du sang, à M. le Duc, qu'on ôterait aux faux princes, bâtards adultérins, le droit de succéder au trône que leur avait donné le feu roi. Cela fut exécuté en juillet 1717, et dès lors la duchesse du Maine, née Condé, et tante de M. le Duc, mais furieuse de voir son mari descendre, implora l'appui de l'Espagne.
Elle avait des amis au Parlement (le président de Mesmes et autres). Elle en avait dans la noblesse, où deux hommes ruinés, Laval et Pompadour, étaient déjà en rapport avec Cellamare, l'ambassadeur d'Espagne. Enfin, elle s'adressa au grand trio jésuite qui avait gouverné à la fin de Louis XIV. L'un des trois, le père Tournemine, lui donna un baron Walef, aventurier liégeois, peu sûr, fort étourdi, qu'elle envoya à Philippe V.
On voulait que ce prince mît le feu aux poudres en écrivant au Parlement et demandant les États généraux. La lettre, ayant fait son effet, aurait été suivie d'une armée espagnole.
Le Régent savait tout. Dans l'automne de 1717, il fit lui-même avancer des troupes vers les Pyrénées, encouragea les grands d'Espagne qui voulaient chasser l'étranger (Alberoni, la reine), s'emparer du roi, des infants. Seulement il refusait d'autoriser le coup qui, seul, eût tout tranché, l'assassinat d'Alberoni.
La corruption, la faiblesse du Régent ne peuvent faire qu'on oublie le contraste de sa douceur avec la férocité de ses ennemis. Tandis que dans leurs pamphlets on le désignait à la mort, lui, il était si peu haineux, qu'averti qu'un conspirateur violent, M. deLaval, était pauvre, il pensa que peut-être il ne conspirait que par misère, et lui donna une pension. Laval ne la refusa pas, mais il conspira de plus belle.
Tout en voulant obtenir de l'Espagne ce désarmement sans lequel il était impossible d'avoir la paix européenne, il négociait longuement, obstinément, pour les intérêts de son ennemie, la reine d'Espagne, quant aux successions de Parme et de Toscane. Cette dernière affaire irritait fort l'Autriche, et retarda longtemps les choses. Torcy (copié par Saint-Simon) dit que les Impériaux regardaient le Régent comme partial pour l'Espagne et refusaient de s'y fier.
Et cependant il fallait se hâter. Paris était fort agité. Il l'était par l'odieux des mesures financières que prenait d'Argenson, et par les menées des partisans du duc du Maine, par les résistances ouvertes du Parlement, par les sourdes intrigues des ambassadeurs étrangers.
D'Argenson, qu'on croyait ami de Law et conseillé par lui, dès qu'il entra au ministère, passa à ses ennemis, et, publiquement associé à une compagnie rivale, fit ses propres affaires avec une audace effrontée. Il donna le bail des Fermes et gabelles , à qui? à lui-même, ministre, représenté par son valet de chambre!
Cet homme de police, abusant de sa vieille réputation de dureté, et bien sûr d'être craint, n'eut ni ménagement ni pudeur. D'un coup il éleva la valeur de l'argent de 40 à 60, payant 60 livres avec 40 (empochant 20). Il fit un filoutage hardi sur la refonte des monnaies.
Le Parlement saisit l'occasion. Il défend d'obéir (20 juin 1718). Il appelle à lui les corps de métiers. D'autre part, d'Argenson envoie aux marchés des soldats pour faire prendre sa monnaie. Refus, violences et batteries.
On publiait alors, on lisait avidement les beaux Mémoires du cardinal de Retz. Tout ce qui aimait le mouvement regrettait de n'être pas né du temps de la Fronde. La petite duchesse du Maine, avec sa ridicule académie de Sceaux, les gens de lettres qui lui prêtaient leurs plumes, n'étaient guère propres à agir sur le peuple. Si pourtant le monde des Halles, poussé à bout par l'affaire des monnaies, s'était levé, si les Parlementaires s'étaient mis à sa tête, nul doute que le vieux
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