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Histoire De France 1724-1759 Volume 18

Histoire De France 1724-1759 Volume 18

Titel: Histoire De France 1724-1759 Volume 18 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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«Un petit mal pour un grand bien,» c'est la règle en casuistique.Quel bien plus grand que de garder le Roi sous la main de Fleury, c'est-à-dire de l'Église? Une femme fut achetée pour le service du Roi.
    C'était une demoiselle de Nesles, madame de Mailly, une dame de la reine. Son mari ruiné, parasite, n'allait qu'en fiacre et vivait de hasards. La personne n'était pas jolie, une grande brune, maigre (Italienne du sang paternel), excellente du reste, honnête et très-respectueuse, discrète, qui rougirait plutôt, ne triompherait pas de sa honte.
    La pauvre femme n'en avait nulle envie. Son mari le voulut et reçut vingt mille francs. Elle alla grelottante (décembre 1732) dans un entre-sol de Versailles. Rien de plus glacial en tout sens. Les misérables vingt mille francs, mangés sur l'heure par le mari, elle expliqua au Roi sa pauvreté. Mais le Roi aussi était pauvre, et il n'aurait osé demander à Fleury. Ce fut par Chauvelin, et sur les fonds de la Justice, que très-secrètement il tira quelque argent. Tout fut réglé ainsi: mille francs par rendez-vous, c'est-à-dire deux mille par semaine, au total cent mille francs par an.
    Ce ladre de Fleury, qui, avec vingt mille francs, croyait pourvoir à tout, fut attrapé par Chauvelin, qui naturellement prit un peu d'influence. Depuis longtemps il cheminait sous terre, isolé de la cour, livré tout au travail et trompant d'autant mieux. Dès lors certainement il put agir un peu par la Mailly, reconnaissante, d'ailleurs très-bonne et qui aimait la reine, qui connaissait ses vœux pour que son père redevînt Roi. La reine courtisait fort Villars,le grand prêcheur de guerre. Elle ignorait absolument l'action sourde de Chauvelin, et encore plus cet entre-sol. Mais les effets parurent. Sans que le Roi sortît de son mutisme, on voyait aux Conseils qu'il était fort changé, qu'il arrivait tout prêt à croire Villars plus que Fleury. Chaque jour le vieux maréchal parlait plus haut, Fleury plus bas.
    Dès février 1733, s'était posée la grande affaire européenne. Auguste II mourant, Villars, contre Fleury, soutient que Stanislas n'a pas abdiqué, qu'il est roi. Fleury traîné, forcé, ne peut plus résister au courant. Il crut sage de complaire, de lâcher la main. Le Roi, fort de Villars, de la jeune noblesse, de tout Versailles enfin, le 17 mars (chose inouïe), parla, et devant les ambassadeurs! Il dit que la Pologne avait droit de choisir, «et que lui, roi de France, il soutiendrait l'élection.»
    Élection aidée de présents d'amitié. Fleury, en gémissant, se laisse tirer un million. L'Assemblée vote bien, très-honorablement (mai), qu'elle ne choisira pour roi qu'un Polonais , ce qui exclut Auguste, fils du mort, l'Allemand, le candidat des Russes. Fleury, non sans regret, s'arrache de nouveau trois millions. Cependant l'Empereur, dès le 21 mars, avait impudemment parlé avec mépris du droit d'élection. On avait répondu d'ici avec hauteur.
    L'honneur était en cause, la guerre presque certaine. La chute de Fleury paraissait infaillible. Espoir de liberté! Voltaire guettait cela, regardait Chauvelin et l'émancipation prochaine. Celui-ci, dans son double rôle, entre Fleury et le public, n'osait êtreindulgent, mais il clignait de l'œil, voyait, ne voyait pas, menaçait et laissait passer. La question était de savoir si Voltaire aurait jour à lancer ses Lettres anglaises . Lorsqu'en 1730, les Marmousets crurent faire sauter Fleury, Voltaire écrit à Thieriot, alors à Londres: qu'on peut donner ses Lettres en anglais. Puis: «Attendons encore.» Cependant l'immense succès de Zaïre et de Charles XII l'encouragea à faire imprimer en français, à Rouen, chez Jore, libraire du Charles XII ,—imprimer et non publier, attendre le moment. La guerre qu'on prévoyait lui parut favorable pour lâcher son oiseau à Londres; j'entends l'édition anglaise. Pour la française, il ne faisait pas doute qu'il n'y eût un orage, que Chauvelin ne fît au moins semblant de le poursuivre, et qu'il ne fallût déguerpir. Il était prêt, il perchait sans poser. Déjà il étendait ses ailes, de façon que le livre s'envolant de Rouen, l'auteur s'envolât de Paris. Il passa une année dans ces fluctuations, souvent malade et rimant dans son lit une mauvaise pièce nationale (sa faible Adélaïde ). Il disait en juillet: «Attendons. Dans deux mois j'imprimerai ce que je voudrai.»
    Vers août et septembre, en effet, selon cette prévision, Fleury

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