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Histoire De France 1724-1759 Volume 18

Histoire De France 1724-1759 Volume 18

Titel: Histoire De France 1724-1759 Volume 18 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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créature, fort désintéressée, d'un bon cœur, faible et tendre. C'est pour elle que pour la première fois entre ce mot dans notre langue: «Avoir des larmes dans la voix.»
    Tous en eurent au moment où Orosmane vaincu dit: «Zaïre, vous pleurez?» Ce mot et quelques autres eurent un incroyable succès d'émotion. L'âme française, un peu légère, mobile et refroidie par le convenu, l'artificiel, semble à ce moment gagner un degré de chaleur.
    L'amie chez qui logeait Voltaire, l'amie de tous les gens de lettres, madame de Fontaine Martel, très-malade, mourante, s'obstinait à aimer encore. Enmourant, elle dit: «Ma consolation est qu'à cette heure, je suis sûre que quelque part on fait l'amour.»
    Paris agissait sur Versailles, l'Équateur sur la Sibérie. Le Roi, qui avait vingt-deux ans, resterait-il tout seul hors de ce courant général? On aurait pu le croire. Ses tristes habitudes d'enfance semblaient l'avoir séché, l'avoir rendu impropre à jamais à l'amour. Son plaisir, dès qu'il fut un peu grand, n'était pas d'un cœur gai, d'une bonne nature; c'était de faire le maître et de tenir école, d'user avec ses écoliers de sévérités libertines ( Maurepas ). Marié, presque malgré lui, comme on a vu, il fut six mois sans voir qu'il avait une femme. Elle avait vingt-deux ans, lui quinze. Elle n'était pas belle, mais très-charmante. Il ne faut pas la voir au triste portrait de Versailles, mise en vieille, dans ce grand fauteuil, mais à cheval, où elle était très-bien [27] . Elle était tout à fait son père et si aimée de lui que sa mère en était jalouse. Elle avait l'air un peu garçon ( Hénault ), d'un enfant bon et doux, et de petit esprit. Mais jamais cœur de fille ne vint au mariage plus amoureux, plus tendre. Le roi de France avait été son rêve; on lui avait prédit qu'elle l'aurait. Il fut le ciel pour elle. Stanislas avait vu en ce bonheur étrange un miracle de Dieu. Passage étonnant, en effet, de la mendicité au trône. Elle arriva, on peut dire, nue, sans chemise (on lui en donna), attendrissante de pauvreté, d'humilité, mais de timidité extrême. Cette grande fille,innocente et tremblante, près de cet enfant vicieux, ne fut longtemps pour lui qu'un autre camarade, moins rieur, plus soumis [28] . Le but du mariage était manqué. On s'en prit à la reine. Elle était si faible pour lui, que, quand il fut malade, on crut qu'elle mourrait elle-même.
    La crainte de la mort, la peur dévote agissant sur le Roi, le réforma. Elle devint enceinte; mais elle avait été si durement médicamentée par les sots médecins qui croyaient décider la chose, qu'elle commença par avorter. De là une succession de couches pénibles, et coup sur coup. Le roi, dans sa froideur, était d'une régularité impitoyable. D'Argenson dit: «Il lui fit sept enfants sans lui dire un mot.»
    Ce fut, je crois, vers 1732 (après deux grossessesen vingt mois), qu'elle eut la triste infirmité dont parle Proyart, une fistule. Quel martyre pour la pauvre dame qui avait peur de rebuter, qui avait peur de refuser! Et son amour croissait. Ses enfants, presque tous des filles, étaient son image même. Le roi y fut pour peu. Plus il était froid, sec, plus elle y donnait de son cœur. Elle eut (1731) une enfant qui n'était que flamme, où l'ardeur polonaise apparut tout entière, la véhémente Adélaïde. Au moment de Zaïre (août 1732), quand on ne parlait d'autre chose que de l'attendrissante actrice, la reine fut enceinte d'une enfant qui avait ces dons, la très-douce madame Victoire. Mais l'enfant, faible et molle, marquait assez combien la mère s'affaiblissait. Si, malade plus tard, au hasard de sa vie, elle redevint encore enceinte, ce ne fut qu'un malheur. Deux tristes avortons, scrofuleux, cacochymes, que leur père appelait Chiffe et Graille , augmentèrent le dégoût du Roi.
    Revenons. Pendant la grossesse pénible dont naquit madame Victoire, la Reine étant sans doute trop affligée par la nature, le Roi se trouva seul, hors de ses habitudes invariables. Situation nouvelle et impossible. Bachelier, vivant là, voyant tout, avertit Fleury. Il y avait péril en la demeure, Fleury n'ignorait pas que les demoiselles de Condé avaient toujours serré de près le Roi. Pour leur fermer la porte, il fallait une femme. Il demanda conseil à la Tencin.
    Il n'agit pas non plus sans consulter son oracle d'Issy, le rude Couturier, son nouveau directeur. Mais les rudes sont doux au besoin.

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