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Histoire De France 1724-1759 Volume 18

Histoire De France 1724-1759 Volume 18

Titel: Histoire De France 1724-1759 Volume 18 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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ce déplorable engrènement.
    Chauvelin dit franchement à son jeune ami d'Argenson la secrète pensée du moment: «Il a fallu tenter la guerre... Nous devenions trop méprisables.» [Retour à la Table des Matières]
CHAPITRE VII
ZAÏRE ET CHARLES XII—LA GUERRE
1732-1733
    La devise légère qu'un chevalier jadis portait sur son écu à travers les batailles: «Chant d'oiseau!» c'est celle que la France, parmi tant de misères, gardait le long de son histoire. À ce premier réveil de 1733, quand l'Europe la croyait morose, épuisée et glacée, elle se lève guerrière et rieuse, avec la chansonnette du pacha français Bonneval, et autres petits airs, que nos pères ont chantés jusqu'à la Marseillaise . C'était bien peu de chose. Mais, de rhythme et d'élan, ces airs n'en furent pas moins aux soupers, aux combats, de vraies Marseillaises inspirées.
    La France d'aujourd'hui, qui pose et se croit grave, ne comprend même plus comment c'était chanté. Elle serait tentée de n'y voir que l'ivresse. Mais les voix avinées n'ont pas ces mélodies. Les buveurs d'eau, les sobres, les maigres s'en grisaient. Deux choses enfont l'accent qui ne sont pas vulgaires. C'est chant d'oiseau moqueur, risée des vieilleries. De plus, chant de l'oubli, celui de l'alouette qui plane insouciante, se rit de la vie, de la mort.
    Aux colonies lointaines, nos Frances étrangères, plus émues que nous-mêmes, dans ces chansons rieuses ressentaient la patrie. Nos coureurs de bois qui passaient presque nus sous le ciel l'hiver du Canada, les dansaient avec l'Iroquois. Nos gens de Saint-Malo, fiers officiers, corsaires, quand soufflait la tempête, lui sifflaient ces refrains. Nos soldats, tout à coup si brillants dans la guerre qu'ils n'avaient jamais vue, quand quinze cents Français attaquaient vingt mille Russes, pour eau-de-vie avaient ces petits chants moqueurs qui font rentrer la mort dans les rangs ennemis.
    Voltaire, sans perdre temps, nous fit le Charles XII , vrai livre de combat. Mais le livre vivant, c'était ce français-turc, Bonneval, qui, disait-on, transformait l'empire ottoman [26] . Il était l'entretien, la légende dutemps. Plusieurs allaient le joindre joyeusement, voulaient se faire Turcs.
    On connaît son histoire bizarre, tragique, originale. Dès douze ans, sur mer, à la Hogue, à tous les combats de Tourville. Puis soldat de Vendôme. Magnifique en bataille et la stupeur de l'ennemi. Il ravit jusqu'au froid Eugène, saisit d'admiration les Turcs à Peterwardin. Pour son malheur il ignorait que le vrai roi moderne est le commis. Une lettre insultante des commis de Versailles l'exaspère. Il déclare la guerre au Roi et passe à l'Empereur. Mais c'est bien pis à Vienne. Il y trouve les commis d'Eugène, lourde canaille allemande, insolente, hypocrite. Cette grosse Vienne, bigote et barbare, ne supporte pas un rieur que jamais on ne vit au cabaret ni à la messe. Plus, Français obstiné, qui dans cette maison d'Eugène si haineuse pour nous, à chaque instant tire l'épée pour la France. Cela le perd. On le poursuit à mort, jusqu'au milieu des Turcs où il cherche un asile. Croira-t-on bien ici que notre ambassadeur de France, loin de protéger un Français, eût voulu que les Turcs livrassentleur hôte aux Allemands? On sent bien là la main du prêtre, de Fleury, bon Autrichien, et bas valet de l'Empereur. Cela se passe en 1729. On peut prévoir déjà ce que fera bientôt le vieux tartufe.
    Le mal de Bonneval, c'est d'être trop Français. Le voilà à Constantinople qui remue le monde pour nous. Réveiller les Turcs, la Suède, rembarrer la Russie, anéantir l'Autriche, c'est-à-dire faire revivre les peuples qu'elle étouffe (Hongrie etc.), c'était l'idée de Bonneval. C'était celle des Bellisle ici. Beaucoup de bons esprits, Chauvelin, d'Argenson, prenaient fort à cela. Bonneval n'était point un rêveur, mais très-positif. Il commençait par le commencement, créait à la Turquie ce qu'elle avait trop négligé, une redoutable artillerie. Il savait le fort et le faible des armées de l'Autriche, la caducité idiote de cette maison qui s'éteignait.
    Le parti de la guerre, chez nous, n'était pas ridicule. S'il le devint, c'est qu'il eut dans Fleury l'obstacle insurmontable, par qui tout était impossible, tout avortait et tournait de travers.
    L'organe principal du parti, c'étaient les petits-fils de Fouquet, les Bellisle, intrigants si l'on veut, mais qui savaient beaucoup, qui avaient

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