Histoire De France 1724-1759 Volume 18
pauvre reine de France. Les chefs s'excusant et disant qu'ils n'avaient pu mieux faire, que la chose était impossible: «Eh bien! dit Plélo, suivez-moi. Vous verrez comment on s'y prend.» Il fait, comme il le dit. Quelques Français le suivent. Avec ces amateurs et quinze cents soldats seulement, il attaque les trente mille Russes à couvert dans leurs lignes. Il les forçait, s'il n'eût été tué.
Ces choses-là faisaient réfléchir les Anglais.
Elles augmentaient terriblement leur crainte de la France, leur amour de l'Autriche. Elles contredisaient fortement l'opinion bizarre que ces amis avaient de nous.
C'était chez eux un article de foi que nous n'existions plus, qu'après Louis XIV le peu qui restait de la France, le résidu des guerres, le caput mortuum des ruines et banqueroutes, était venu à rien, et comme race même était fini. Les purs Anglais, qui sortaient peu de l'île, étaient bien convaincus qu'il n'y avait ici qu'un ramas d'avortons, perruquiers, cuisiniers, maîtres de danse ou filles. C'est le sujet chéri d'Hogarth, le contraste éternel de l'Anglais fort, grand, bien nourri, et du Français, grenouille ou lézard qui frétille.
Cela allait plus loin. De l'autre côté du détroit, le credo était tel: le Français, c'est le vice; l'Anglais, c'est la vertu. La petite chose gazouillante, dansante, qu'on appelle un Français, ne loge rien que vent dans sa tête légère; ni foi, ni loi; aucun principe. La solidecréature anglaise, avec sa double base de Bible et de Constitution, marche au chemin de Dieu, et fait œuvre de Dieu en pesant sur la terre, mangeant le plus possible, et consommant de plus en plus.
Dès le commencement de la guerre, ils travaillaient sérieusement pour que la France n'y gagnât rien, pour que l'Autriche fût quitte à bon marché. Dans l'année 1734, ils ne se pressèrent pas, voyant morts Villars et Berwick, et la France sans généraux, espérant que l'Autriche, avec tous ses barbares, à Parme, à Guastalla, allait nous éreinter. Mais quand ils la voient elle-même usée et épuisée, Eugène à qui l'on prend Philipsbourg sous le nez, Mercy tué, Kœnigseck qui traîne comme un serpent coupé, alors notre amie Angleterre, sérieusement inquiète, se met devant l'Autriche, et décidément la protége. Elle se porte médiatrice (février 1735), et propose impartialement un plan tout autrichien.
Article 1 er .—L'unité, l'éternité de l'empire autrichien, au profit de son héritière. Donc, point d'élection de Bohême, de Hongrie, et l'Empereur sera toujours un anti-chrétien.
Soufflet assez fort pour Versailles. Car on a flatté Louis XV, qui lui aussi descend de Charles-Quint, que la ligne mâle autrichienne s'éteignant, il pourrait arriver par l'élection. Fleury, que l'histoire dit si sage, s'était avancé sottement sur cette ridicule espérance jusqu'à dire que, plutôt que de garantir l'héritière, comme le demandait l'Empereur, «il aimerait mieux trois batailles.» (Villars.)
Article 2.—L'Espagne garde les Deux-Siciles. Maisl'Autriche, qui n'avait nulle force dans ces possessions lointaines, en revanche épaissit au Nord. Au Milanais qu'elle garde, elle joint la possession de la Toscane, plus voisine, aisée à défendre, tandis qu'une île n'était rien pour cet Autrichien sans vaisseaux.
Article 3.—Le père de la reine de France renonce au trône. Nul dédommagement, aucune indemnité... qu'un bien à lui, un petit bien de noble Polonais! Plus, l'honneur dérisoire d'une ambassade qui le remercie d'abdiquer.
L'esprit gravement facétieux du mystificateur Walpole brillait dans cette plaisanterie.
Chauvelin, à l'idée d'éterniser l'Autriche, fut accablé, désespéré. Mais, loin de l'écouter, Fleury envoie à Vienne un homme à lui. Que veut-il, l'innocent? Signer, sans les Anglais, seul à seul avec l'Empereur, tout ce qu'ont dicté les Anglais. Cela se fit ainsi.
Fleury était un homme modeste et sans ambition. Que la France n'eût rien, qu'on logeât Stanislas seulement dans le duché de Bar, cela lui allait à merveille. Chauvelin s'indigna, travailla (par la reine, par Mailly? par tous), et il exigea pour la France, pour tant d'argent, de sang, qu'elle avait sacrifié. Il obligea Fleury d'exiger la Lorraine, dont l'héritier passerait en Toscane [30] . Très-importante acquisition, indispensableaux communications de Champagne, d'Alsace. Excellente barrière d'un si vaillant pays, si profondément militaire.
Cette guerre
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