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Histoire De France 1724-1759 Volume 18

Histoire De France 1724-1759 Volume 18

Titel: Histoire De France 1724-1759 Volume 18 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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compromette pas trop; mais elle ne l'exige point. Elle n'impose aucun sacrifice, respecte tout à fait la mission de ce grand esprit. Loin de le détourner vers la littérature secondaire, les petits succès, elle l'admire, le suit de son mieux dans son essor philosophique. Elle l'éloigne au contraire de son faible Louis XIV , œuvre médiocre et légère. Tant qu'elle put, elle retarda, tint le manuscrit sous la clef.
    Cirey, dans un paysage mesquin, château peu gai et délabré, ne pouvait plaire qu'à de tels travailleurs. Deux appartements seuls y étaient habitables. Au premier la sérieuse dame calculait, traduisait Newton [31] . Sous elle, à l'entre-sol. Voltaire écrivait tout le jour. Là il paraît très-grand. Cirey lui fit son équilibre, il fut universel et rayonna de tous côtés. À travers lespoèmes et les drames, les traités de philosophie, il expose Newton, étudie la chimie, fait ses expériences, son Mémoire sur le Feu . Il défend Réaumur dont on méprisait les insectes. Il pose le principe admirable: «Nous devons à notre âme de lui donner toutes les formes possibles.» Ce principe, il l'applique, avançant en tout sens avec une vigueur merveilleuse et cette ambition conquérante que Vico appelait «un héroïsme de l'esprit ( mens heroïca ).»
    Ce qui surprend le plus, c'est que les grands orages lui viennent à chaque instant pour des productions très-légères autant que pour ses livres hardis. Pour le Temple du goût il est persécuté. Persécuté pour une épître à Uranie . Madame Du Châtelet est toujours dans les transes. En 1734 et 1735, ils respirèrent à peine. En plein hiver, alerte (26 décembre); il s'en va de Cirey, se met en sûreté. Autre plus grave, en décembre 1736, pour la plaisanterie du Mondain , et cette fois il part pour la Hollande. Elle le suit. Les voilà sur la neige à Vassy (quatre heures du matin). Elle pleure. Va-t-elle revenir seule dans ce Cirey désert? Où va-t-elle avec lui, en laissant là ses enfants, sa famille? Voltaire l'en empêcha. Tout souffreteux qu'il fût, seul il passa l'hiver dans cette froide et humide Hollande, caché le plus souvent, redoutant à la fois la haine de nos réfugiés et les calomnies catholiques du vieux J.-B. Rousseau, qui allaient jusqu'à Fleury même, pour éterniser son exil, lui fermer le retour, lui faire perdre l'asile que lui avait fait l'amitié.
    À ces misères joignez les procès, les libelles. On lui avait lancé le libraire de Rouen, destitué pour les Lettres anglaises . Sous le nom du libraire, on publiait cent calomnies. Le faux protecteur de Voltaire, Maurepas, prétendit tout arranger en écrasant Voltaire, lui infligeant la honte d'une amende à payer aux pauvres.
    La situation générale empire en 1737. Toute liberté perd espérance avec l'homme de ruse et d'audace qui avait cru succéder à Fleury. Chauvelin est chassé (février), chassé pour toujours.
    Son crime fut d'avoir forcé Fleury, forcé l'Autriche à en finir, par une ligne ajoutée de sa main à une lettre de Fleury: « Qu'en attendant, le Roi garderait Philipsbourg, Trèves et Kehl ,»—que, si l'on ne finissait rien, nous resterions toujours en Allemagne.
    Acte hardi, qui fit peur, décida tout, mais perdit Chauvelin.
    Depuis deux ans l'Autriche et les Walpole le travaillaient. D'abord on lui offrit de l'argent. Puis, comme il refusait, on le calomnia, on soutint qu'il volait. Il aurait volé... une montre (Barbier, etc.). Enfin, par un coup plus habile, Walpole se procura des lettres où Chauvelin communiquait avec l'Espagne (dans l'intérêt de la France). On cria à la trahison.
    Les dates répondent à ces sottises, disent la vraie cause de sa chute. Vaincu et effrayé par sa fermeté, l'Autrichien lâche enfin la Lorraine, 15 février 1537 [32] . Le 23 février, Chauvelin est exilé pour la vie. Jamais l'Autrichien, ni l'Anglais, jamais le parti prêtre, ne consentirent à son retour.
    Il laissait des regrets à la cour, dans l'armée, au Parlement, partout. Il avait un parti ou deux partis plutôt: celui du bien public, et celui de la guerre. Et ce dernier si fort, qu'il fallut l'occuper, en donnant aux Génois un secours pour réduire la Corse, armée contre eux sous un aventurier qui se proclamait roi de l'île.
    À la cour, les meilleurs étaient pour Chauvelin: j'entends M. de la Trémouille, alors bien réformé, et la bonne Mailly, d'un cœur honnête, ardent, fort désintéressée, qui resta toujours pauvre, ne

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