Histoire De France 1758-1789, Volume 19
rendit implacable. En 1787, il réussit à faire faire à la reine, alors toute puissante, une chose funeste: l'abandon de la Hollande, à qui la France devrait protection. Quand l'Angleterre payait les émeutes orangistes pour y tuer la République et l'influence française, elle écrit: «Que nous font ces gens-là? Et qu'importe qu'ils se battent entre eux?» (Arneth, Jos. , 108.)
La calomnie aida. La femme du stathouder, sœur de roi, veut son mari roi. Pour décider son frère le roi de Prusse à l'aider dans ce crime, elle emploie la ruse grossière de dire qu'elle a été arrêtée, insultée. Ce frère voudrait agir. Calonne et Ségur, nos ministres, ne peuvent manquer à la Hollande. Calonne fait les fonds d'un camp qui sera à Givet. Démonstration peu dangereuse. La Prusse n'aurait pas fait un pas. Mais dès que la reine est maîtresse, plus de camp. « L'argent manque. » Fausse et menteuse excuse. Ségur ne demandait que deux millions. Est-ce que la Hollande, si riche en numéraire, la Hollande qui va s'inonder (noyer cinq cents millions peut-être) n'eût pas été heureuse d'avancer deux millions qui lui eussent sauvé ce naufrage?
Dorset en septembre put rire. La catastrophe eut lieu. La Hollande en vain s'inonda. Les Prussiens entrèrent, vinrent soutenir la canaille payée du stathouder. Une atroce anarchie fonda le despotisme. Ce beau pays (si sage) de l'ordre et des mœurs graves fut, parson premier magistrat, le stathouder, mis à sac, livré aux brigands. Il les lâcha dans ces riches villes, pillées de fond en comble. Le ministre anglais à la Haye, Harris, et Dorset à Versailles, arrivèrent ainsi à leur but. Ils perdirent la Hollande, déshonorèrent la France. En janvier, le stathouder s'inféode à ses maîtres: le Prussien, l'Anglais. La Hollande sombre toujours.—«La France aussi!» s'écria Joseph II.
Des villes entières de Hollande émigrent, des populations de la classe riche, intelligente, active. Excellent élément qui, quelque part qu'il vînt, apportait le bien-être, qui, autrefois, avait créé Berlin, et qui, en Angleterre, a tellement augmenté chez ce peuple les qualités moyennes (qu'il n'avait nullement, ni chez les Cavaliers, ni chez les Puritains). Ces pauvres Hollandais, justement indignés contre la Prusse et l'Angleterre, amies de leur tyran, venaient chercher abri en France. Les ayant protégés si mal dans leur pays, on aurait dû ici les accueillir, les bien établir à tout prix. Dumouriez, alors à Cherbourg, proposait de leur faire près de là une Hollande sur des terrains disputés par la mer, qu'ils auraient exploités avec leurs propres capitaux, de leur faire une ville qu'on eût nommée Batavia. On n'eût fait là que son devoir, une légitime expiation. On pouvait croire que Louis XVI, qui connaissait les lieux, et qui aimait Cherbourg, on devait croire surtout que la reine et Brienne, réellement coupables de l'abandon de la Hollande, feraient cette bonne œuvre si utile et qui eût attiré de plus en plus les émigrés. On ne fit rien, on ne voulut rien.
Revenons en avril. Brienne, tant aimé des Notables,leur chef contre Calonne, n'y échoue pas moins tout à plat. En vain il leur livre les comptes, promet l'économie de quarante millions, en vain s'appuie du bon Malesherbes, qui se laisse mettre au ministère. La seule ombre de l'égalité, de la suppression de privilége, les glace. Au premier mot de subvention, d'emprunt, ils ne savent que dire; ils n'ont pas d'instructions de leurs provinces. Tels lancent le grand mot: «Aux États généraux seuls il appartient de décider.» L'assemblée, en définitive, se croit incompétente, dit que, pour tout impôt, elle s'en remet à la sagesse du roi.
Autrement dit, avec respect, elle le laisse dans le bourbier, devant les Parlements irrités plus qu'avant, ou devant l'inconnu, les États généraux.
Brienne, il est vrai, pouvait croire que ces États apparaissaient redoutables au Parlement, autant et plus qu'à lui, et qu'il aimerait mieux mollir que de laisser venir son grand successeur légitime, l'assemblée de la Nation. Comment le Parlement, ce corps judiciaire, s'est-il élevé à une telle importance politique? En usurpant le rôle des États généraux, en parlant à leur place, en se constituant lui-même ce qu'ils étaient: la voix du peuple . Le roi, le clergé, la noblesse, avaient toujours primé dans ces États; qu'avaient-ils à en craindre? Mais on voyait fort bien que, les
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