Histoire De France 1758-1789, Volume 19
Mém. , IV, 404), croyant Necker tué pour toujours.
Calonne y gagna peu. Son improbité le coulait. On sentait trop que même les plus belles réformes, dans une telle bouche, étaient un leurre. On n'eût rien accepté de lui. On sentit qu'il fallait à tout prix purger le terrain. On le mit sur un point qui eût commencé son procès: les échanges qu'il avait fait au préjudicedu domaine. L'accusation, dressée, fut signée La Fayette .
Le roi, travaillé fortement contre Calonne par la reine et Miromesnil, reçut et lui montra avec sévérité une pièce qui prouvait son mensonge. Joly, le successeur de Necker, témoignait qu'en effet Necker partant en 81 avait fait les fonds de l'année. Calonne, au lieu de se défendre, attaque et récrimine. Il accuse Miromesnil d'agir contre le ministère. «Quel succès espérer, si l'on n'agit d'ensemble, si l'on n'assure l'unité du pouvoir?...» Cela frappe le roi... Mais qui pourrait-on mettre à la place de Miromesnil? Calonne désigna Lamoignon.
Il ne s'en tint pas là. Voyant le roi facile, il saisit l'occasion, dit qu'on n'obtiendrait pas cette unité sans renvoyer aussi Breteuil.
Breteuil! proposition hardie. C'était toucher la reine même.
Breteuil c'était l'Autriche, c'était l'homme de la famille, adopté de Marie-Thérèse. Le roi devint rêveur; il ne refusa pas, mais dit qu'il fallait en parler à la reine.
L'orage fut plus grand qu'il ne prévoyait même. Au premier mot, elle bondit, s'étonna, s'emporta épouvantablement, invectiva contre Calonne. Le roi lui parlant d'unité, elle dit que le vrai moyen de l'établir, c'était de chasser ce Calonne qui avait tout gâté par son assemblée des Notables. Le roi restait muet; l'excès de la colère tourna en déluge de larmes. Elle avait perdu un enfant. Elle craignait de perdre le Dauphin, qui maigrissait, se déformait (Arneth). Toutl'accablait dans la famille! et on lui enlèverait son plus cher serviteur!...
Le roi est interdit, accablé, n'ose répliquer. Venu pour renvoyer Breteuil, il signe sans mot dire le renvoi de Calonne (7 avril).
Comment le remplacer? Plusieurs proposaient Necker; mais le roi justement venait de l'exiler, pour avoir publié sa réponse à Calonne. La reine proposait Loménie de Brienne, un homme antipathique au roi (créature de celui qu'il hait tant, Choiseul!), un prêtre galantin, frétillant, malgré l'âge, dans les salons, l'intrigue, et se mêlant de tout,—de plus (comble d'horreur!) fort impudemment philosophe, affichant le matérialisme. On avait osé en parler pour l'archevêché de Paris, et le roi avait dit ce mot amer qui paraissait devoir l'éloigner pour toujours: «Mais ne faudrait-il pas au moins qu'un archevêque de Paris crût en Dieu?»
Faible sur tout le reste, le roi, sur cette corde, semblait fort arrêté, ne pouvoir changer guère. Ici, chose imprévue, il mollit, immola sa foi, sa conscience chrétienne, et pour ministre il prit le prêtre athée. «On le veut; mais, dit-il, on s'en repentira.» Son accablement fut extrême, profond son découragement. [Retour à la Table des Matières]
CHAPITRE XXI.
LA REINE ET BRIENNE. — FERA-T-ON LA BANQUEROUTE?
1787.
La reine, toute sa vie, fidèle à sa famille, dès octobre 83, voulait nommer Brienne, agréable à l'Autriche, créature de Choiseul, ami de Vermond et Mercy. La Polignac, d'accord avec l'Artois, l'obligea de subir Calonne.
L'avénement de Brienne était une défaite pour la société de Trianon, un affranchissement pour la reine. Elle avait pu enfin rompre ses habitudes, reconquérir son cœur. Sa longue servitude de dix ans finissait. Nul avis de sa mère, nulle risée du public, nulle froideur, nul orage, nulle humiliation n'y avaient réussi. Il y fallut le temps, et que l'amie vieillît. Il y fallut la très-amère expérience que la reine eut des Polignacs. Quand elle rompit avec Calonne, quand il lui fit sous main une guerre si atroce, ils restèrent avec lui, infidèles à la reine, et fidèles à la caisse.
Elle prit sa revanche au 1 er mai. Faisant Brienne chef des finances, elle dit fièrement devant toute la cour: «Ne vous y trompez pas, messieurs, c'est un premier ministre.»
Le divorce éclata au point le plus sensible, au sujet de Vaudreuil, cet ami de la bien-aimée, tyran de Trianon, le bruyant, l'emporté, le fougueux personnage dont on redoutait les colères, et dont le caractère malheureusement donnait le ton. Il venait de tirer un million de Calonne pour je ne
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