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Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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avait des billets de notre défunt Canada (et pas moins d'un demi-million). Vrais chiffons, papiers de rebut. On offrit de les lui changer pour d'excellents billets de Gênes. Il suffisait qu'elle agît près de madame de Grammont pour qu'on secourût les Gênois contre la Corse révoltée. Le projet plut; la sœur prit feu et enflamma le frère pour deux vilaines choses: tromper Gênes, écraser la Corse. On traîna, on fit si bien que les Gênois épuisés, endettés, furent trop heureux finalement de céder cette Corse, si peu utile, et funeste plus tard.
    Julie, lancée dans les affaires, en fit plus d'une. Par elle et son crédit, M. de Penthièvre put faire le désiré mariage de sa fille avec Orléans, faire cet entassement de deux fortunes colossales, énorme, dangereux; un roi d'argent auprès de Louis XVI, un centre provisoire, un foyer de révolution.
    Mais l'affaire où Julie éclata tristement, ce fut le procès de Lally.
    Lally-Tullendally. La France, étourdiment, a souvent employé des fous sauvages ou intrigants, héros écervelés ou fourbes, comme les O'Reilly, Lally, d'Irlande, comme le Stuart (Sobieski), les Ornano de Corse, qui faillirent être rois de France vers 1632. Gens dangereux, brillants, nés pour la gloire et les chutes finales, pour faire miracle et nous casser le cou.
    Lally, superbe à Fontenoy, n'en fut pas moins un homme né tristement et de mauvais augure, marqué du sort d'avance. Par ses vertus et par ses vices, probité, dureté, brutalité et fureurs folles, dès l'arrivée dans l'Inde, il se brouille avec tous, insulte tous, perdtout. Il était prisonnier à Londres quand il sut qu'on le menaçait à Paris. Il se fait renvoyer prisonnier sur parole, apporte ici sa tête. L'intérêt de Choiseul, pour excuser les fautes de sa guerre de Sept Ans, était certainement de se rejeter sur Lally, de le perdre. L'ennemi capital de celui-ci avait épousé une Choiseul. Le ministre eût voulu que le procès se fît au Parlement, mais craignait la présence, l'énergie de Lally; il voulait l'éloigner. Madame de Grammont ne le lui permit pas. On disait dans Paris que Lally, revenant de l'Inde, lui avait donné des diamants; cela voulait dire à Julie . La dame était fort nette. Elle court chez son frère, s'emporte, exige que Lally soit arrêté. Choiseul en signe l'ordre, en faisant avertir Lally. En vain. Notre Irlandais va droit à la Bastille.
    Dès lors, il est perdu. Tant de gens ruinés avec la Compagnie des Indes entourent le Parlement. Ces magistrats, si ignorants et des choses militaires, et de l'Inde, et de tout, n'en trouvent pas moins que Lally a trahi les intérêts du roi. Trahi? Est-ce par erreur ou par sottise?
    Horrible fut le jugement. Quand on lui lut ce mot, trahi , il entra en fureur, prit un couteau, se poignarda. Il ne put se tuer. On l'emmena hurlant; on lui mit un bâillon; on le mit dans un tombereau, on le frappa, on le manqua; enfin on lui scia la tête (1766).
    La tête de Lally était le seul à-compte qu'on pût donner à la misère publique, aux enragés de l'Inde et aux désespérés du Canada, aux rentiers faméliques qui, d'époque en époque, toujours ajournée, se mouraient. Depuis 61 et la petite banqueroute de Silhouette,Choiseul remit tout à la paix (63). À la paix, rien. Il remit tout à l'an 1767. Et alors, rien. Il remit tout à 69, où vint Terray, l'exterminateur général. Et Choiseul s'en lava les mains. Il tomba à merveille, populaire, accusant Terray, lequel ne fit pourtant que la banqueroute de Choiseul.
    L'honneur pour celui-ci ce fut d'avoir eu l'art de manier le Parlement, de le faire tourner à sa guise. Féroce pour Lally, féroce pour le petit La Barre dont il confirma la sentence, le Parlement, pour Choiseul, fut très-doux. Qu'on le consultât en finances et qu'on prît chez lui les ministres (Laverdy, Terray, etc.), cela le calmait fort. Dans les remboursements, si ajournés, si difficiles, on remboursait d'abord le Parlement. Choiseul, en retour, en tira la déclaration si nouvelle: «Qu'en le roi seul était tout le pouvoir législatif.» Le roi (1766) put solennellement proscrire l'union des parlements, se faire même apporter de tous les parlements de France leurs registres et biffer les noms prohibés de sa main.
    Pour le dehors, Choiseul fut moins habile. Tenu par Vienne, il croyait la tenir. Jamais il ne prévit que Vienne, cette mortelle ennemie de la Prusse, s'arrangerait à son insu avec la Prusse et la Russie

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