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Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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l'entretient sur la caisse des pauvres, la met dans un hôtel, avec quatorze domestiques. Tout cela, dit Beugnot, bien avant le vol du collier. Elle n'avait que faire de filoutage. Il y suffisait de l'amour.
    Dès lors, faisant figure et mendiante à quatre chevaux, elle sollicitait à Versailles. Mal reçue pourtant des puissants, mal de la Polignac, qui se souciait peu d'approcher de la Reine une personne agréable et dangereusement intrigante. Elle ne fut guère mieux accueillie de Calonne, qui crut la renvoyer avec un peu d'argent. Elle y fut superbe d'orgueil, parla comme auraient fait Charles IX, Henri II, lui dit que des Bourbons elle ne voulait que sa terre, qu'elle resterait là et ne s'en irait pas qu'il ne lui eût mieux répondu.
    Elle fut bien reçue de la comtesse d'Artois, de la bonne sœur du Roi, qui aimaient peu la Polignac, bien aussi (si on doit l'en croire) de l'intérieur de la Reine, de ses femmes, excédées du règne de l'éternelle amie, et charmée d'introduire du nouveau en dessous. La reine lui donna un secours. Qu'elle l'ait vue, ou non, c'est un point secondaire. Pour ses femmes (Misery, Dervat), elle put, à l'insu de son tyran, la Polignac,accueillir l'envoyée du parti opposé, de Rohan, alors bon Autrichien, agent de Joseph II, et courtier de l'emprunt que l'Autriche crut faire en Alsace. Rohan dut s'y tromper et se croire pardonné. Se rendant nécessaire, il crut aller plus loin, pouvoir devenir agréable. Il avait cinquante ans. Mais Besenval les avait bien, quand il osa faire à la reine une déclaration, qui ne la fâcha pas; elle le toléra, le garda comme ami, et même familier d'intérieur dans ses parties de Trianon.
    La reine avait trente ans, s'était assez rangée. Les excentricités d'Orléans, les folies d'Artois, le vertige des bals de nuit (d'où une fois elle revint en fiacre), toutes ces légèretés de jeunesse n'allaient plus à son âge. Elle était plutôt triste. Mais le vide d'esprit ne lui permettait pas de chercher, de trouver de plus dignes amusements. Le catalogue de ses livres, si différent de la bibliothèque excellente de la Pompadour, fait peine et fait pitié. On y voit figurer Faublas , les livres de Rétif, si vulgaires et si graveleux. Son goût pour jouer les soubrettes, s'exposer dans ces rôles, non pas à huis clos aux amis, mais aux gardes de la porte même qu'elle appelait, tout cela est peu digne de la fille de Marie-Thérèse.

Elle n'était nullement méchante, dans l'intérieur elle était fort aimée. Elle n'eût jamais de jeu cruel, ni de souffre-douleur, comme en avaient trop souvent les princesses (V. la Harcourt dans Saint-Simon ). Mais elle aimait les farces, et le bas grotesque italien. Espiègleries parfois fort innocentes, comme la fête où d'Artois convalescent dut (captif et lié) souffrir lescompliments des faux bergers de Trianon. Parfois c'étaient choses malignes, comme la comtesse d'Artois qu'on fit prendre, exposer devant tous dans un rendez-vous. Une chose fort cruelle fut faite pour amuser la reine, qui ne s'est jamais effacée de la tradition de Paris. Les dames de la Halle étaient venues pour une fête, superbes et familières, dans leurs royaux atours. Au dîner que donna le roi, les gardes du corps les grisèrent, et (dit-on) eurent l'indignité de mêler dans les vins de dangereuses drogues, qui leur firent dire et faire mille choses comiquement impudiques. Certaines se jetaient aux rieurs, se livraient elles-mêmes. Elles furent le matin rendues à leurs maris dans un état qu'on n'ose dire. Cela fut impuni. La reine, qui le blâma, sans doute, fut pourtant curieuse, et, dit-on, voulut voir, eut le tort d'en salir ses yeux.
    Beaucoup plus innocente était la mystification dont le cardinal de Rohan fut l'objet en juillet 1784. La reine était alors fort triste pour son frère, et de plus enceinte d'un mois, dans les premiers ennuis de la grossesse. Probablement on voulait la distraire. Figaro était à la mode, la fureur du moment. La reine, qui jouait Rosine du Barbier (et Suzanne plus tard, ou la comtesse Almaviva), raffolait de Beaumarchais. Les quiproquos du dernier acte, la scène de nuit et de forêt, furent-ils réalisés, pour l'amuser, dans le parc de Versailles? cela n'est point invraisemblable. Rohan, bien plus que Figaro, était mystifiable; un fat de cinquante ans rappelait encore mieux le Falstaff si comique des Joyeuses femmes de Windsor. La farce était certainement dans les goûts connus de la

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