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Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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visions, d'ombres aimées peut-être, de ces illusions qu'avait trouvées Rohan sous l'heureux bosquet de Versailles.
    C'est dans cette maison, de renommée douteuse, qu'on vint consulter pour la Reine. Mais le sage, pour sonder le sort, avait besoin d'une innocente . Rohan et la Valois lui amenèrent la nièce de celle-ci, encore enfant, qui, certains rites accomplis, eut (par une carafe et à travers l'eau trouble) la vision que l'on désirait. Une figure de la Reine apparut, et, questionnée sur l'accouchement, donna un signe favorable.
    Un des initiés de ce temple de la Nature qu'y avait mené la Valois, était le riche Saint-James, qui avec les Laborde, fit l'emprunt autrichien. Saint-James était, avec les deux joailliers de la Reine, Bœhmer et Bassange, propriétaire en tiers d'un collier de diamants, de près de deux millions, fait jadis pour la Du Barry. On ne pouvait plus s'en défaire, ne trouvant personne assez fou. On en parlait sans cesse. On disait qu'on donnerait bien deux cent mille francs à qui le ferait acheter. Cagliostro sentit la portée d'un tel mot. Georgel dit (comme la Valois) que le grand magicien «mieux que personne sut le secret des motifs de l'acquisition du collier (t. II, 119).» Mais il ajoute, par respect, «que c'est un grand secret, profond, des loges égyptiennes.»
    Secret fort transparent, facile à deviner. Cagliostro, expert aux moyens d'aviver l'amour, voyant le cardinal inquiet d'avancer si peu, et d'autre part, voyant la Reine dans l'orage, aux moments où la femme est faible,—conseilla à Rohan l'essai d'un talisman, qui, devenu magique par des conjurations puissantes, lierait deux cœurs, deux âmes. Vieille recette, employée tant de fois par les Cagliostro du Moyen âge. Rohan crut voir la Reine asservie du moment qu'on aurait pu (comme aux coursiers sauvages) adroitement lui jeter ce lazo .
    De naissance, elle avait la passion des diamants. Elle en reçut beaucoup du Roi, et cependant tout d'abord, à l'avénement, acheta des bracelets très-chers (que censure fort Marie-Thérèse). Bien plus, au moment même (1776), des girandoles merveilleusesqu'elle ne put payer qu'en six ans. Tout cela était éclipsé, disait-on, par les diamants de la reine d'Angleterre, alors nouvelle reine des Indes. Le collier, qui eût pu rivaliser, semblait trop cher. Louis XVI avait dit: «J'en aurais deux vaisseaux.» Cependant ce collier, unique, irréparable, allait (on l'assurait) passer en Portugal. Quelle perte pour la France, pour la couronne de France! Aussi grande sans doute que si elle perdait le Régent , notre diamant (unique!). Il semblait très-français de garder le collier.
    La royauté, cette religion, ce permanent miracle, a besoin de ces choses éblouissantes qui étonnent, qui obligent à baisser les yeux. Les étranges reflets du diamant aux lumières font comme un mystère de féerie, une auréole (divine? ou diabolique?)—De là ces passions violentes, ces furieuses manies du diamant. On sait le joaillier terrible qui ne vendait les siens qu'en voulant les reprendre, et poignardant les acheteurs.
    Si la Reine, dit-on, avait tant d'envie du collier, pourquoi n'en parla-t-elle pas au Roi, qui ne l'aurait pas refusé? Mais le Roi, à l'instant, venait de lui donner Saint-Cloud (quinze millions). Mais le Roi, à son frère allait faire don de cinq millions. Elle eût été bien indiscrète de prendre un tel moment pour faire une troisième demande, d'une futilité si coûteuse. Elle dut avoir honte, tout autant que désir. On sait d'ailleurs que ces caprices, ces envies de la femme enceinte, sa friandise avide d'avoir sur-le-champ tel objet l'humilie d'autant plus qu'elle est d'instinct aveugle, sans raison, contre la raison. Il y faut le mystère. Le grandjour gâte tout. Offrez l'objet; elle refuse, «car cela n'est pas raisonnable.»
    Ses tentateurs, les joailliers, gens fins, que leur commerce initiait à ces faiblesses de femme, venaient tous les jours travailler avec elle pour les parures de ses prochaines relevailles; et elle ne pensait qu'aux bijoux. Elle voulait l'objet, mais qu'il vînt de lui-même. Saint-James qui gagnait sur l'emprunt, Rohan visant au ministère, auraient pu l'offrir comme épingles . L'affaire tardait, traînait. Le désir l'emporta. Excédée du retard, elle permit d'agir (si l'on croit la Valois), et dit «qu'on fît ce qu'on voudrait.»
    Longtemps après, en 1797, à Bâle, les deux joailliers avouèrent à Georgel que la Reine

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