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Histoire de France

Histoire de France

Titel: Histoire de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Bainville
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romanesques, avait été frappé d’une flèche devant le château de Chalus : ni d’un côté ni de l’autre, il n’y avait encore de résultat. Vint Jean sans Terre : sa démence, sa cruauté offrirent à Philippe Auguste l’occasion d’un coup hardi. Jean était accusé de plusieurs crimes et surtout d’avoir assassiné son neveu Arthur de Bretagne. Cette royauté anglaise tombait dans la folie furieuse. Philippe Auguste prit la défense du droit et de la justice. Jean était son vassal : la confiscation de ses domaines fut prononcée pour cause d’immoralité et d’indignité (1203). La loi féodale, l’opinion publique étaient pour Philippe Auguste. Il passa rapidement à la saisie des terres confisquées où il ne rencontra qu’une faible résistance. Fait capital : la Normandie cessait d’être anglaise. La France pouvait respirer. Et, tour à tour, le Maine, l’Anjou, la Touraine, le Poitou tombèrent entre les mains du roi. Pas de géant pour l’unité française. Les suites du divorce de Louis VII étaient réparées. Il était temps.
    Philippe Auguste s’occupait d’en finir avec les alliés que Jean sans Terre avait trouvés en Flandre lorsque l’empereur Othon s’avisa que la France grandissait beaucoup. Une coalition des rancunes et des avidités se forma : le Plantagenet, l’empereur allemand, les féodaux jaloux de la puissance capétienne, c’était un terrible danger national. Si nous pouvions reconstituer la pensée des Français en l’an 1214, nous trouverions sans doute un état d’esprit assez pareil à celui de nos guerres de libération. L’invasion produisait déjà l’effet électrique qu’on a vu par les volontaires de 1792 et par la mobilisation de 1914. Devant le péril, Philippe Auguste ne manqua pas non plus de mettre les forces morales de son côté. Il avait déjà la plus grande, celle de l’Église, et le pape Innocent III, adversaire de l’Empire germanique, était son meilleur allié européen : le pacte conclu jadis avec la papauté par Pépin et Charlemagne continuait d’être bienfaisant. Philippe Auguste en appela aussi à d’autres sentiments. On forcerait à peine les mots en disant qu’il convoqua ses Français à la lutte contre l’autocratie et contre la réaction féodale, complice de l’étranger. Il y a plus qu’une indication dans les paroles que lui prête la légende au moment où s’engagea la bataille de Bouvines : « Je porte la couronne mais je suis un homme comme vous. » Et encore : « Tous vous devez être rois et vous l’êtes, par le fait, car sans vous je ne puis gouverner. » Les milices avaient suivi d’enthousiasme et, après la victoire qui délivrait la France, ce fut de l’allégresse à travers le pays. Qui oserait assigner une date à la naissance du sentiment national ?
    Ce règne s’acheva dans la prospérité. Philippe Auguste aimait l’ordre, l’économie, la bonne administration. Il se contenta de briser le royaume anglo-normand et d’ajouter au territoire les provinces de l’Ouest, de restituer la Normandie à la France. Il se garda d’aller trop vite et, après Bouvines, d’abuser de la victoire. Son fils, Louis VIII, s’était lancé à la conquête de l’Angleterre. Philippe Auguste le laissa partir sans s’associer à l’aventure qui, bien commencée, devait finir mal. Il préférait organiser ses domaines avec prudence, avec méthode, imposant l’autorité royale, développant par les baillis un ordre administratif jusqu’alors embryonnaire, créant des finances, enfin dotant l’État de ses organes principaux. La société du Moyen Âge qui allait s’épanouir avec saint Louis, est déjà formée sous Philippe Auguste. Quelques-uns des caractères qui distingueront l’État français jusqu’à nos jours et qui étaient en germe sous les premiers Capétiens s’accusent aussi. Déjà cet allié de l’Église n’aime pas plus la théocratie que la féodalité. S’il trouve fort bon que le pape fasse et défasse des empereurs en Allemagne, il ne souffre pas d’atteintes à l’indépendance de sa couronne. À l’intérieur il se défend contre ce que nous appellerions les empiétements du clergé. Il y a déjà chez le grand-père de saint Louis quelque chose qui annonce Philippe le Bel.
    Ce qu’on rattache d’ordinaire le plus mal à ce grand règne, c’est la croisade contre les Albigeois. Qu’était l’hérésie albigeoise ? Un mouvement politique. On y

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