Histoire de France
reconnaît ce qui apparaîtra dans le protestantisme : une manifestation de l’esprit révolutionnaire. Il y a toujours eu, en France, des éléments d’anarchie. D’époque en époque, nous retrouverons de ces violentes poussées de révolution, suivies, tôt ou tard, d’une réaction aussi vive. Et toujours révolution et réaction ont pris la forme d’une guerre religieuse, d’une lutte d’idées.
Comme les protestants, les Albigeois prétendaient purifier le christianisme. Ils s’insurgeaient contre la hiérarchie ecclésiastique et contre la société. Si l’on en croit les contemporains, leur hérésie venait des Bogomiles bulgares qui furent comme les bolcheviks du Moyen Âge. Ce n’est pas impossible, car les idées circulaient alors aussi vite que de nos jours. Il est à remarquer, en outre, que le Languedoc, les Cévennes, âpres régions où le protestantisme trouvera plus tard ses pasteurs du désert, furent le foyer de la secte albigeoise.
Elle se développa, avec la tolérance de la féodalité locale, jusqu’au jour où la croisade fut prêchée à travers la France, au nom de l’ordre autant qu’au nom de la foi. Dès le moment où Simon de Montfort et ses croisés se mirent en marche, l’affaire changea d’aspect. Elle devint la lutte du Nord contre la féodalité du Midi et la dynastie toulousaine. L’adversaire était le comte de Toulouse au moins autant que l’hérésie. Le Nord triompha. Mais, avec un sens politique profond, Philippe Auguste refusa d’intervenir en personne et d’assumer l’odieux de la répression. Il n’avait que peu de goût pour les croisades et celle-là, s’il y eût pris part, eût gâté les chances de la monarchie dans la France méridionale. La féodalité du Sud ne se releva pas de cette lutte. Du moins les rancunes qui en restèrent n’atteignirent pas le Capétien. Elles ne compromirent pas son œuvre d’unité.
En mourant (1223), Philippe Auguste ne laissait pas seulement une France agrandie et sauvée des périls extérieurs. Il ne laissait pas seulement un trésor et de l’ordre au-dedans. Sa monarchie était devenue si solide qu’il put négliger la précaution qu’avaient observée ses prédécesseurs. Il ne prit pas la peine d’associer son fils aîné au trône avant de mourir. Louis VIII lui succéda naturellement et personne ne demanda qu’une élection eût lieu. À peine se rappelait-on qu’à l’origine la monarchie avait été élective. De consuls à vie, les Capétiens étaient devenus rois héréditaires. Depuis Hugues Capet, il avait fallu près de deux siècles et demi pour que l’hérédité triomphât. Événement immense. La France avait un gouvernement régulier au moment où les empereurs d’Allemagne tombaient les uns après les autres, au moment où l’autorité du roi d’Angleterre était tenue en échec par la grande charte de ses barons.
Mais il était temps que la monarchie française n’eût plus à se soucier de la succession au trône. Le règne de Louis VIII, occupé à poursuivre l’œuvre de son père contre les Anglais encore installés dans le Sud-Ouest et contre la dynastie toulousaine, encore puissante dans le Midi, ce règne fut court. En 1226, lorsque Louis VIII mourut, son fils aîné avait onze ans. Les minorités ont toujours été un péril. Celle-là compte parmi les plus orageuses. Le règne de saint Louis a commencé, comme celui de Louis XIV, par une Fronde, une Fronde encore plus dangereuse, car ceux qui la conduisaient étaient de puissants féodaux. Les vaincus de Bouvines étaient avides de prendre leur revanche et d’en finir avec l’unificateur capétien. Les conjurés contestaient la régence de Blanche de Castille. Ils cherchaient à déshonorer la veuve de Louis VIII en répandant le bruit de son inconduite et lui reprochaient d’être une étrangère. Ils étaient même prêts à mettre la couronne sur une autre tête. L’énergie et l’habileté de Blanche de Castille réussirent à dissoudre cette ligue qui, par bonheur, ne trouva pas d’appui à l’étranger. Mais le trouble avait été grave dans le royaume. Le danger avait été grand. Deux fois, le jeune roi faillit être enlevé. La fidélité des bourgeois de Paris le sauva et elle sauva la France d’une rechute dans l’anarchie. Ce fut la première victoire de l’idée de légitimité, une idée qui avait déjà des négateurs. Ce fut aussi, le mot a été employé et il n’a rien d’excessif, la
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