Histoire de France
première restauration.
L’Espagnole, mère de saint Louis, eut une régence aussi difficile et aussi brillante que celle d’Anne d’Autriche le sera. Elle ne défendit pas seulement la couronne contre les mécontents. Elle réunit le Languedoc au royaume, cueillant ainsi, grâce à la prudente abstention de Philippe Auguste, le fruit politique de la guerre contre les Albigeois. À l’Ouest, le comte de Bretagne, Pierre Mauclerc, un Capétien qui avait mal tourné, un des conjurés de la ligue, avait appelé les Anglais à son aide. Il fut également battu et des garnisons royales occupèrent les principales places bretonnes. Quelle tâche longue et malaisée que de faire la France ! Tout était sans cesse à recommencer.
En 1236, Louis IX est majeur. Il vient d’épouser Marguerite de Provence. Mariage politique qui prépare la réunion d’une autre province. Mais les époux ont d’étranges affinités. Leurs sentiments sont les mêmes. Le saint roi a près de lui une véritable sainte. Quel est ce règne étonnant qui s’ouvre ? Oh ! si le phénomène est d’une incomparable beauté, s’il est unique dans l’histoire, il n’échappe pourtant pas à une sorte de règle. Le règne de saint Louis succède à ce qu’on pourrait appeler, en forçant un peu les mots, le rationalisme du temps de Philippe Auguste. C’est une réaction. La royauté capétienne a déjà vu Robert le Pieux succéder à Hugues. Saint Louis représente un retour à l’idée du prêtre-roi. Il est en harmonie avec son temps, celui de saint Thomas d’Aquin, marqué par un renouveau de foi chrétienne. Toutes proportions gardées, c’est ainsi qu’après les encyclopédistes, le début du dix-neuvième siècle verra le Génie du christianisme et une renaissance religieuse.
Mais la monarchie a grandi, Louis IX, ce n’est plus le pieux Robert qui s’enfermait dans son oratoire. La monarchie a des devoirs, des traditions, une vitesse acquise. Saint Louis continuera ses prédécesseurs. Seulement il les continuera en développant un élément que, jusqu’à lui, la dynastie capétienne n’avait qu’à peine dégagé. Les qualités de sa race, il les poussera jusqu’à la vertu, jusqu’à la sainteté. La royauté française était un peu terre à terre. Par lui, elle prendra un caractère de grandeur spirituelle dont elle gardera toujours le reflet. On a remarqué que la plupart des autres maisons royales ou impériales d’Europe avaient pour emblèmes des aigles, des lions, des léopards, toutes sortes d’animaux carnassiers. La maison de France avait choisi trois modestes fleurs. Saint Louis a été la pureté des lis.
La ferveur religieuse qui l’entraîna à des croisades était assez nouvelle chez les Capétiens. Elle n’excluait chez lui ni la hardiesse, ni la finesse, ni le sens de la politique. Saint Louis savait frapper fort et frapper juste. À la bataille de Taillebourg, en 1242, il avait brisé le dernier retour offensif des Plantagenets. On a admiré que, parti pour délivrer Jérusalem, il fût allé, comme Bonaparte, droit en Égypte, clef de la Palestine et de la Syrie.
Cette expédition tourna mal. C’était la fin des croisades et le royaume chrétien de Jérusalem ne pouvait plus être sauvé. Saint Louis fut fait prisonnier par les Mameluks après des combats chevaleresques et ne recouvra sa liberté qu’en payant rançon. Sa mère, vieillie, le rappelait en France, inquiète de l’anarchie des Pastoureaux : c’était encore un de ces mouvements révolutionnaires compliqués de mysticisme qui revenaient périodiquement. La bourgeoisie des villes se chargea de l’écraser. Tout était rentré dans l’ordre au retour de Louis IX.
Son vœu, sa croisade, son échec avaient encore épuré son âme. Il fut alors lui-même et mit la justice et la moralité à la base de son gouvernement. On ne l’a pas toujours compris. De son temps, même, il ne manquait pas de gens pour le trouver un peu exalté. Lorsqu’il décida, lui, le vainqueur de Taillebourg, de rendre au roi d’Angleterre de magnifiques provinces françaises du Sud-Ouest, ce fut de l’indignation. La postérité s’en est étonnée elle-même, car le propre de l’histoire est d’être presque toujours mécontente et de reprocher aux uns leur avidité, aux autres leur désintéressement. Louis IX a expliqué lui-même cette restitution par des raisons naturelles. Il voulait, entre lui et son cousin d’Angleterre, mettre fin à
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