Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
Guethelin, invité à parler
devant le conseil, s’exprima ainsi : « Nous, reboutés de
toute autre espérance, requérons ta miséricorde et te prions que tu
nous veuilles donner aide et que tu défendes des assaults des
étrangers le royaume de Bretagne insulaire, lequel t’est dû par
droit successif ; car nul, fors toy, n’est qui doive être
couronné du diadème de Maxime. »
Guethelin peignit ensuite avec les plus vives
couleurs la misère de ses concitoyens, et supplia Audren et son
conseil de ne pas consentir à la perte totale des Bretons.
Après bien des tergiversations et des retards,
Audren déclara aux députés de la Grande-Bretagne que ses sujets
s’opposaient formellement à ce qu’il les quittât. La vérité est
que, dans son égoïsme, ce monarque se souciait peu d’échanger
l’heureuse tranquillité dont il jouissait, contre les travaux et
les peines d’une entreprise d’autant plus difficile qu’il aurait
affaire à des ennemis terribles, presque indomptables. Les
malheureux envoyés fondirent en larmes : « Partons,
s’écria Guethelin, et puisse notre mort ne pas retomber sur toi et
ta postérité ! » Touché de leur désespoir, Audren offrit
aux Bretons le bras de son frère Constantin : cette
proposition fut accueillie avec transport par les députés.
« Le Ciel soit loué ! dirent-ils à Constantin, tu es roi
des Bretons, et par toi la Bretagne reprendra ses forces et sera
relevée. »
En peu de jours Constantin eut rassemblé une
armée formidable, et sa vue, doublant le courage de ses guerriers,
décida la défaite des oppresseurs de la Grande-Bretagne. À cette,
nouvelle, Aëtius, général des Romains dans la Gaule, furieux de
voir les Bretons se soustraire au joug de l’empire en élevant
Constantin au trône, résolut de s’en venger sur les Armoricains, et
ordonna à Eocharic, roi des Alains, de leur déclarer la guerre.
Mais la fière attitude des Armoricains les intimida, et trois ans
après, Aëtius s’estima trop heureux de les avoir pour alliés contre
le terrible Attila, qu’il vainquit avec leur aide, sous les murs
d’Orléans et dans les plaines de Châlons. À peine ce danger
était-il passé, que les Visigoths entreprirent de s’emparer du
comté de Nantes, de refouler les Bretons à l’extrémité de la
péninsule, et de partager les Gaules avec les Burgondes. Prévenu à
temps, Érech, un des fils d’Audren et général des troupes de son
père, marcha contre l’ennemi avec douze mille guerriers ; son
premier combat fut une défaite à laquelle il ne survécut pas.
Eusèbe, son frère, le suivit de près dans la tombe, aussi peu
regretté que son aîné fut pleuré pour ses vertus et les qualités de
son esprit.
Le troisième fils d’Audren, nommé Budic ;
rappelé en Armorique après la mort d’Eusèbe, n’y arriva que pour
recevoir le dernier soupir et la bénédiction de son père.
Les premières années du règne de Budic furent
glorieuses, mais difficiles ; il fut obligé de confirmer ses
droits par l’épée. Childéric, ensuite Clovis avaient tenté la
conquête de l’Armorique : repoussé devant les murs de Nantes,
ce dernier prit le sage parti de s’allier avec un roi qu’il ne
pouvait vaincre. Placées entre deux ennemis puissants, les
garnisons romaines, qui conservaient encore quelques places sur les
limites des deux États, se donnèrent, avec tout le pays qu’elles
gardaient, aux Francs et aux Bretons armoricains. Cependant Budic
ne put constamment maintenir son royaume en paix. Clovis essaya
plus d’une fois, au mépris des traités les plus solennels, la
conquête de la petite Bretagne ; mais ce fut en vain. Budic
défendit avec courage, et conserva jusqu’à sa mort le territoire
intact du royaume armoricain.
Il fut père de six enfants, dont l’aîné, connu
sous le nom d’Hoël le Grand, lui succéda. Budic mourut à l’âge de
soixante-cinq ans, et la douleur publique le rangea parmi les
victimes secrètement immolées à l’ambition de Clovis.
Hoël, comme la plupart de ses ancêtres, passa
les premières années de son règne dans les combats. Il reprit, avec
l’aide des seigneurs bretons, tout ce que Clovis et les Frisons
avaient conquis dans son royaume, et sa bravoure lui valut le
respect et l’amitié de Clotaire, avec lequel il conclut une
alliance scellée par de mutuels et riches présents.
Il laissa le trône à son fils aîné, qui
portait comme lui le nom d’Hoël ; et avant
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