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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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passés ; impossibilité de séparer l’histoire du développement intellectuel de celle de l’ensemble de la civilisation. Le positivisme affirme la « continuité humaine » que niaient « le catholicisme maudissant l’antiquité, le protestantisme réprouvant le moyen âge, et le déisme niant toute filiation ». La pensée de Comte se rattache au mouvement général que nous avons vu croître au XVIII e siècle contre l’idée d’une histoire de la philosophie comme simple énumération de sectes incohérentes. « La continuité dynamique » (p. 27) nous interdit de croire qu’il y ait jamais dans les opinions humaines des « changements radicaux » ; elles se sont modifiées en vertu de la même impulsion qui les modifie encore, c’est-à-dire d’une impulsion vers une subordination croissante de nos jugements à l’ordre objectif. Chacune de ces étapes a sa place normale et nécessaire. La « logique purement subjective » (p. 31) du fétichiste qui anime les phénomènes « est, à l’origine, aussi normale que le sont aujourd’hui les meilleures méthodes scientifiques. »
    Cette vision d’une marche continue, qui ne peut être rétrograde, amène Comte à transformer entièrement la valeur due les historiens du XVIII e siècle donnaient à chaque période du passé, particulièrement à la pensée grecque et à la pensée du moyen âge. Il proteste formellement contre « les irrationnelles p.24 hypothèses de certains érudits sur une prétendue antériorité de l’état positif envers l’état théologique (p. 73), allusion sans doute à une objection que l’on peut tirer de la science positive des Grecs précédant la pensée médiévale. Ces hypothèses, ajoute-t-il, « ont été renversées irrévocablement d’après une meilleure érudition ». L’union de la théologie et de la métaphysique, qui caractérise le moyen âge, union qui, aux yeux des écrivains protestants comme Brücker et des encyclopédistes, est un scandale et une alliance monstrueuse, est précisément ce qui fait la supériorité du moyen âge sur l’antiquité, et ce qui prépare l’âge moderne. La théologie sans métaphysique, c’est nécessairement le polythéisme ; il « constitue seul le véritable état théologique, où l’imagination prévaut librement. Le monothéisme résulte toujours d’une théologie essentiellement métaphysique, qui restreint la fiction par le raisonnement. »
    Comte entend donc moins par philosophie les systèmes techniques des spécialistes de la philosophie, qu’un état mental diffus à travers la société qui se manifestera aussi bien, sinon mieux, dans des institutions juridiques, dans des œuvres littéraires ou des œuvres d’art que dans les systèmes des philosophes. Un système philosophique, nommément désigné, pourra, il est vrai, montrer avec une particulière clarté cet état d’esprit, parce qu’il concentre des traits épars ailleurs et les met en pleine lumière [27] ; mais il ne sera jamais étudié qu’à titre de symbole et de symptôme. Ce qui intéresse les historiens animés de l’esprit positiviste, ce sont les « représentations collectives », et les vues individuelles n’obtiennent leur regard que si elles sont le reflet du collectif. De là un changement de méthode : il se manifeste par le peu de souci que l’on a de la partie en quelque sorte technique de la philosophie ; ce qui intéresse ce sont les théorèmes fondamentaux des philosophes, p.25 le contenu de leur opinion, et non leur vérité absolue ; chaque système d’opinion est en relation avec une époque et tire de cette relation la seule justification à laquelle il puisse prétendre.
    Avant Auguste Comte, Hegel eut un égal souci de faire l’apologie des systèmes, en montrant que leur diversité ne s’oppose pas à l’unité de l’esprit : « L’histoire de la philosophie, dit-il [28], rend manifeste, dans les diverses philosophies qui apparaissent, qu’il n’y a qu’une seule philosophie à divers degrés de développement, et aussi, que les principes particuliers sur lesquels s’appuie un système ne sont que des branches d’un seul et même ensemble. La philosophie la dernière venue est le résultat de toutes les philosophies qui précèdent et doit contenir les principes de toutes ces philosophies. » Ce n’est là ni le sectarisme qui excommunie, ni le scepticisme qui profite des divergences des systèmes pour les renvoyer

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