Histoire du Consulat et de l'Empire
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LA FRANCE EN CRISE
tées au sud-est et à l'ouest de la France et concernent surtout des régions montagneuses, à l'écart des voies de communication et des villes. Là où persiste un danger, les habitants hésitent à bouger, notamment à l'occasion des élections, ce qui explique la faiblesse de la participation électorale dans certaines régions. Il faut se garder toutefois de considérer les campagnes comme des foyers de résistance à la Révolution, tandis que les villes lui seraient davantage acquises. Dans bien des circonscriptions, les paysans sont attachés à l'indépendance qu'ils ont gagnée à l'occasion des premières années révolutionnaires et ils n'entendent pas la perdre. En même temps, ils restent assez méfiants à l'égard d'un régime qui n'a pas su opérer la stabilisation économique et financière. L'assignat, puis le mandat territorial, restent les symboles de l'échec financier de la Révolution. Sa répercussion est sans doute plus faible à la campagne qu'en ville, mais il a cependant contribué à un repli des campagnes sur elles-mêmes. L'absence d'argent liquide et la peur de la « mauvaise monnaie » poussent à revenir aux formes traditionnelles du troc qui ne favorisent pas les échanges extérieurs. En outre, la crise qu'ont subie les campagnes, après les mauvaises récoltes de 1795 et de 1796, a réduit les achats de matériel agricole et d'objets manufacturés. Ainsi, alors que la Révolution avait été portée par l'idéologie libérale et que les premières mesures avaient tendu à libérer l'économie en brisant les frontières intérieures, en 1799 tout concourt à laisser vivre les campagnes en autarcie. À
l'absence de monnaie d'échange fiable s'ajoute le mauvais état des routes, peu entretenues depuis dix ans et soumises au passage répété des armées de la République ou de ses adversaires. Seuls les fournisseurs des armées restent en contact avec la campagne où ils achètent chevaux et denrées diverses. Mais, pour des raisons stratégiques évidentes, ils prospectent surtout les environs des villes ou les régions frontalières.
Il faut cependant se garder de �oircir le tableau des campagnes françaises en 1799. L'absence de l'Etat n'est pas toujours perçue de façon négative, bien au contraire. Elle s'accompagne, en effet, du renforcement de communautés villageoises désormais privées de la tutelle traditionnelle que représentait le seigneur, voire le curé. Ces communautés continuent de vivre en marquant leur attachement aux pratiques traditionnelles d'exploitation du sol. C'est ainsi que la décision de partager les biens communaux n'est guère mise en application, car elle se heurte à la résistance des plus pauvres, des paysans sans terre qui tirent une part importante de leurs revenus de ces biens communaux où paissent leurs maigres troupeaux. Cette solidarité joue également lorsqu'il s'agit de protéger un prêtre réfractaire, sorti de la clandestinité après le 9-Thermidor et de nouveau menacé depuis le 18-Fructidor. Ailleurs, c'est derrière un prêtre constitutionnel que se regroupe la communauté. Naturellement, dans certains cas, des divisions naissent, des partis se forment, 17
LA RÉPUBLIQUE CONSULAIRE (1799-1804)
mais le trait majeur reste la consolidation des communautés villageoises dans c�tte période troublée. Elles ont appris à vivre sans le secours de l'Etat - lequel apparaît de plus en plus lointain -
d'autant mieux que la pression fiscale n'est pas très forte et que la guerre se déroule à l'étranger. Ce lien distendu avec le pouvoir central explique en grande partie l'indifférence dont fait preuve une partie de la population à l'égard de l'arrivée au pouvoir de Bonaparte.
Le sentiment est sans doute différent en ville. Le milieu urbain est plus composite dans sa structure sociale. S'y côtoient la bourgeoisie, qui a le plus profité de la Révolution, notamment en achetant des biens nationaux ou en spéculant sur les assignats, et une frange du peuple, dont une partie, venue récemment de la campagne, peine à trouver sa place dans la société urbaine. Les uns et les autres aspirent au retour de la paix intérieure et à la consolidation de la reprise économique, en même temps qu'ils n'entendent pas voir remis en cause les principes de la Révolution. Même dans les régions marquées par la dissidence, dans l'Ouest. ou le Sud-Ouest, par exemple, les villes restent des foyers
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