Histoire du Consulat et de l'Empire
républicains, ce qui ne les empêche pas d'abriter aussi de fortes minorités royalistes. C'est aussi en ville que séjournent les représentants de l'État ou les garnisons militaires, qui propagent les idées révolutionnaires. Dans les régions royalist�s où les prêtres réfractaires ont conservé de fortes positions, l'Eglise constitutionnelle s'est réfugiée dans les villes.
Sans négliger l'aspiration au changement des ruraux, en particulier de la population des bourgs et des villages, il est sans doute plus juste de considérer le malaise social et politique ressenti par les Français de 1799 comme un malaise essentiellement urbain. Malgré la stabilisation financière opérée par le Directoire et la reprise économique qui se dessine - que les contemporains ont cependant quelque mal à percevoir - l'impression prévaut d'une crise généralisée qui provient plus de l'instabilité politique, du désordre intérieur, des difficultés économiques que de la guerre étrangère et des défaites. Ainsi, l'évêque constitutionnel d'Ille-et-Vilaine, Le Coz, écrit à son collègue Grégoire : « Nous ne pouvons plus nous le dissimuler, la crise où nous sommes est la plus terrible que nous ayons éprouvée, non pas à cause des Russes ou des Autrichiens, je les crains peu ; le mal corrosif est au milieu de nous, c'est le mécontentement général de toutes les classes. On n'y peut penser sans frémir 1. »
Ces propos sont très révélateurs du malaise général qui s'est emparé de la population. On peut parler d'une véritable crise de société, comparable à celles qui ont précédé les grandes crises politiques de l'époque contemporaine. Comme souvent, cette crise de société trouve sa traduction en termes politiques.
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LA FRANCE EN CRISE
2. LA CRISE POLmQUE
En 1799, la France vit sous le régime du Directoire, ainsi désigné parce qu'à la tête de l'État figure un directoire de cinq membres qui se partagent le pouvoir exécutif et décident donc en principe de la politique à conduire. Ce régime a été instauré quatre ans plus tôt par la Constitution dite de l'an III, votée par les députés de la Convention qui avaient échappé aux diverses purges menées en son sein, en 1793 et 1794. Les thermidoriens, c'est-à-dire les députés qui avaient provoqué la chute de Robespierre le 9 thermidor an II et mis ainsi un terme à la Terreur, avaient choisi d'établir un régime dans lequel les pouvoirs seraient largement partagés. C'est pourquoi, à l'assemblée unique qui prévalait depuis les débuts de la Révolution, se sont substituées deux assemblées : le Conseil des Cinq-Cents et le Conseil des Anciens qui ensemble forment le Corps législatif. En outre, les députés craignaient par-dessus tout le retour à la dictature d'un seul homme, ils décidèrent donc d'instaurer un directoire de cinq membres, renouvelable par cinquième tous les ans. Toutefois, le rôle des assemblées reste prépondérant, puisqu'elles ont la responsabilité de désigner les directeurs. Les constituants de l'an III sont donc demeurés fidèles au principe selon lequel le pouvoir exécutif est directement issu des assemblées, ellesmêmes représentantes du peuple. Ce principe, inauguré en 1792, est resté intangible, dans l'histoire de la République française, excepté la parenthèse de la Ile République, jusqu'en 1958. La République consulaire elle-même n'y échappera pas, comme on le verra.
Cet édifice, apparemment simple, comportait cependant quelques failles. La première réside dans le mode de désignation des représentants aux deux assemblées. Leurs membres sont renouvelés par tiers tous les ans, au printemps. Les concepteurs du projet voulaient éviter les profonds bouleversements dans la composition des assemblées, et en même temps permettre un renouvellement régulier.
Mais le résultat fut une succession d'élections qui, loin de freiner les soubresauts de l'opinion, les rendirent plus visibles encore. Les premières élections pour la désignation des représentants au Corps législatif avaient eu lieu en octobre 1795, après l'acceptation de la Constitution. Les suivantes, pour le renouvellement, chaque fois, d'un tiers des assemblées, se déroulèrent en mars 1797, en avril 1798, puis en avril 1799. Aucune de ces consultations ne s'effectua dans la sérénité. Les résultats des premières élections furent en effet faussés par la décision des rédacteurs de la
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