Histoire du Consulat et de l'Empire
veille du sacre, le 3 décembre 1804. La décision de rompre avec Joséphine est prise au retour d'Autriche, en octobre 1809. Napoléon en fait l'annonce à l'Impératrice le 30 novembre. Auparavant il a obtenu le soutien de son beau-fils, Eugène de Beauharnais, le fils de Joséphine, décidément d'une fidélité sans faille envers son mentor.
La scène du 30 novembre est restée célèbre : Joséphine pleure beaucoup, puis s'évanouit ou feint de le faire. Elle sait sa cause entendue. Pourtant, elle dispose de nombreux soutiens. Dans l'entourage de Napoléon, Cambacérès est hostile à ce divorce. Lavalette, le directeur général des Postes, dont la femme est une Beauharnais, dirige le clan des courtisans favorables à Joséphine. Il ne peut rien contre la détermination de Napoléon qui, en la circonstance, a pu compter sur l'aide efficace de Fouché, à ce moment toujours ministre de la Police. Une vieille rivalité l'oppose à Joséphine qu'il souhaiterait voir remplacée par une princesse russe. Lavalette est donc impuissant à retarder cette décision : « Mais la catastrophe ne tarda pas à éclater, écrit-il dans ses Mémoires. Tout était sans doute conclu avec l'Autriche, lorsque l'Empereur fit venir le prince Eugène d'Italie pour consoler sa mère au moment fatal de son divorce ; et peu de jours après il tint un conseil particulier où furent admis, outre les grands officiers et les ministres, les membres de la famille 4. » Ce conseil se tient le 14 décembre 1809. Le divorce est une affaire d'État qui concerne l'ensemble des dignitaires du régime. Le Sénat, par un sénatusconsulte du 15 décembre, sanctionne cette nouvelle situation. L'Impératrice était une des pièces maîtresses de l'édifice impérial. C'est aussi pour cette raison que Joséphine obtient d'importantes compensations ; elle garde son titre d'impératrice et obtient une forte indemnité. Peu après, Cambacérès engage le processus devant conduire à l'annulation du mariage religieux. Une requête est adressée en ce sens au tribunal ecclésiastique du diocèse de Paris, l'officialité, qui reçoit l'argument selon lequel le mariage a été célébré secrètement et en l'absence du curé de la paroisse. Cet argument spécieux suffit à faire annuler le mariage par l'officialité métropolitaine dont tous les membres sont acquis à Napoléon.
En janvier 1810, la voie est libre. Napoléon peut de nouveau convoler. Il lui reste à trouver une princesse appartenant à l'une des familles régnantes en Europe. Sur ce point, les ministres se divisent 312
L'ENRACINEMENT DE LA MONARCHIE
en deux partis qui se font entendre dans un conseil privé, tenu le 29 janvier 1810. Fouché défend le parti russe et s'oppose à la solution autrichienne qui rappelle trop le souvenir de Marie-Antoinette.
Il rapporte, dans un bulletin du 21 février 1810, combien la population parisienne garde de préventions contre toute « Autrichienne ».
Murat et Cambacérès défendent la même position. L'opposition au mariage autrichien provient donc des derniers survivants de la Révolution qui craignent, non sans raison, que ce mariage scelle définitivement le retour de l'Ancien Régime. Face à eux, Talleyrand et Champagny, les deux ministres successifs des Relations extérieures, défendent la solution autrichienne, au nom des intérêts diplomatiques de la France. Champagny raconte ainsi : « Je n'avais pas été consulté sur le divorce ; je le fus sur le mariage, c'est-à-dire sur le choix à faire entre l'archiduchesse d'Autriche et une princesse russe, car toutes les deux étaient à la disposition de l'Empereur. Je fus pour l'archiduchesse ; ce mariage me semblait le plus propre à maintenir la paix de la France 5. » Mais la dimension symbolique est tout aussi importante. Napoléon n'est pas insensible à l'alliance avec la maison d'Autriche, ce que Fontanes, qui depuis 1800 défend l'orientation monarchique du régime, traduit en des termes aux accents traditionalistes : « L'alliance de Votre Majesté avec une fille de la Maison d'Autriche sera un acte expiatoire de la part de la France. » Il s'agit en l'occurrence de réparer l'exécution de Louis XVI et de Marie-Antoinette.
Le parti monarchique l'emporte sur le parti révolutionnaire.
Napoléon décide d'épouser Marie-Louise, la fille de l'empereur d'Autriche. Marie-Louise est alors une jeune femme de dix-huit ans ; elle est née en 1791, à l'heure où le trône de Louis XVI
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