Histoire du Consulat et de l'Empire
d'Alexandre. Ses réformes de l'administration et des finances, ses recherches en faveur d'une codification des lois russes ont durablement marqué le pays. Mais Speransky fut remercié au début de 1812 et exilé en Sibérie, vraisemblablement victime des adversaires de tout changement. Pourtant ses projets ne remettaient pas en cause les structures fondamentales de la société russe ni le caractère autocratique de son gouvernement.
Au printemps de 1812, la Russie peut compter sur une armée aguerrie au combat, sur le pied de guerre depuis plusieurs années.
Mais elle ne connaît pas la conscription générale. Les levées de troupes sont tributaires de la bonne volonté des communautés rurales (le mir) chargées de désigner les recrues pour l'armée, ce qui tend à ralentir la mobilisation des troupes. De fait, en juin 1812, Alexandre, pourtant averti de l'imminence du conflit, ne peut aligner face à Napoléon que deux armées, l'une commandée par Barclay de Tolly, forte de cent vingt mille hommes, l'autre placée sous les ordres de Bagration et qui comprend quarante mille soldats.
Mais les Russes peuvent aussi compter sur le prochain renfort des troupes rapatriées du front balkanique. Enfin, ils disposent, dans l'intérieur du pays, de trois cent mille à quatre cent mille hommes, prêts à ralentir l'avance des troupes françaises. Alexandre qui a étudié les précédentes campagnes napoléoniennes s'est bien gardé d'offrir à sa gourmandise l'ensemble de ses forces. La dispersion de ses troupes est un des éléments du dispositif défensif qu'il met en place, à l'aube de cette campagne.
Le cours des événements s'accélère en avril. Le 8 de ce mois, le tsar adresse à Napoléon un ultimatum, le sommant d'évacuer son armée de Prusse, mais aussi de la Poméranie suédoise. Il exige comme préalable à toute négociation le retrait des troupes fran
çaises en deçà de l'Elbe. Le lendemain, les Russes signent avec les Suédois le traité d'Abo qui scelle leur alliance. Deux semaines plus tard, Alexandre quitte Saint-Pétersbourg pour prendre le commandement de son armée à Vilna. Le tsar n'a donc pas attendu la réponse de Napoléon à son ultimatum pour se mettre en état de défense. Ce n'est que le 27 avril que Napoléon prend connaissance des exigences russes ; la réponse qu'il fait parvenir à Alexandre quelques jours plus tard élude la question centrale. Sa décision d'entrer en guerre contre la Russie est irrévocable. Son armée est prête. Il reste à donner l'ordre de marche. Napoléon, comme à son habitude, prend personnellement la direction des opérations. Parti 363
L'ÉCHEC DU SURSAUT DYNASTIQUE (1810-1815)
de Saint-Cloud le 9 mai, il arrive à Dresde le 16. C'est l'occasion d'une imposante réunion des princes allemands, associés dans la lutte contre la Russie. L'empereur d'Autriche François, le roi de Prusse Frédéric-Guillaume, le roi de Bavière attestent par leur présence aux côtés de Napoléon la force de la coalition réunie contre la Russie. Ce parterre de rois illustre aussi le tour définitive�
ment monarchique pris par le régime napoléonien.
La campagne peut s'engager. Les troupes réunies depuis le début de l'année se mettent en marche. Elles commencent à franchir le Niémen, qui marque la frontière entre la Prusse-Orientale et la Russie, le 22 juin 1812. Par rapport aux précédents conflits, Napoléon a quelque peu modifié l'organisation de ses troupes. Aux corps d'armée autonomes des campagnes de 1805-1807, il a préféré la concentration de ses hommes en une armée principale, qu'il commande, épaulée par deux armées secondaires disposées sur ses flancs. L'armée principale comprend près de deux cent cinquante mille hommes, en majorité français. L'une des deux armées auxiliaires a été confiée à son beau-fils Eugène de Beauharnais ; elle est composée de quatrevingt mille hommes, venant l'Italie et du sud de l'Allemagne. La troisième armée, placée sous les ordres de Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie, rassemble soixantedix mille hommes, recrutés en Allemagne et en Pologne. La Grande Armée est désormais plurinationale. Elle est devenue l'armée des « vingt nations », au détriment de sa cohésion d'antan. Les soldats français ne sont plus majoritaires. Ils ne peuvent donc plus imprimer, comme par le passé, un tour idéologique à leur lutte. L'armée qui entre en Russie n'est plus vraiment l'armée de la « Grande
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